Michel Vinaver, qui a composé une nouvelle traduction et adaptation de la pièce, le dit : « Tourgueniev a traité toutes les formes de l’amour. » Plutôt connu par ses nouvelles, ses romans, l'auteur russe a écrit « Un mois à la campagne » dès 1850, mais la pièce ne sera créée que près de trente ans plus tard. Elle occupe une place à part dans l’imaginaire de tout amateur de théâtre. Le titre fait rêver. Si elle est beaucoup moins jouée que les chefs-d’œuvre d’Anton Tchekhov, elle bouleverse tout autant.
La réussite de ce spectacle tient à la haute qualité de chacun. Un décor superbe et léger de Jacques Gabel qui efface les séparations intérieur-extérieur, avec des lumières de Joël Hourbeigt. Des costumes harmonieux et simples. On est immédiatement dans la proximité des personnages. Ils sont d’un autre temps, mais on les comprend.
C’est l’été. La grand-mère (Catherine Ferran) joue aux cartes. Son fils Arkadi (Guillaume Lévêque) a beaucoup de travail. Il est le mari de Natalia (Anouk Grinberg), l’héroïne, parfois comparée à Emma Bovary (le livre date de 1851 et Tourgueniev et Flaubert étaient amis), mais elle est beaucoup plus indépendante et dure. Sauf que là, elle tombe amoureuse. Elle ne se contente pas du dévouement désespéré de l’élégant Rakitine (Micha Lescot), elle s’enflamme pour le jeune précepteur de son fils Kolia. Alexeï (Nicolas Avinée) s’en ira de lui-même à la fin, lorsqu’il comprendra ce qui se joue. Natalia est terrible avec sa pupille Vera (India Hair) et elle voit sans état d’âme sa demoiselle de compagnie Lizaveta (Laurence Côte), et Vera elle-même, être livrées à d’âpres égoïstes, un médecin sans morale (Philippe Fretun) et Bolchintsov, son vieil ami (Jean-Claude Bolle-Redat).
C’est beau et déchirant. Simple, pur. Du vrai théâtre, magistralement exalté par le regard et la direction rigoureuse d’Alain Françon et l’interprétation délicate de chacun.
Théâtre Déjazet, du 9 mars au 28 avril, du lundi au samedi à 20 h 30. Durée 2 heures. Tél. 01.48.87.52.55, www.dejazet.com
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