L’HISTOIRE que conte ce travail collectif vient de loin, de l’œil qui s’allume devant les objets au XVIe siècle. Les chambres des merveilles deviendront cabinets de curiosités, rassemblant objets rares et hétéroclites. Des choses, les siècles suivants passeront aux animaux. Le développement des villes laisse un espace aux jardins zoologiques qui expriment à la fois la nostalgie d’un paradis perdu et la vision d’une arche de Noé. On vient aussi y contempler une taxinomie vivante, l’immense diversité des espèces décrites par Monsieur Buffon.
« Voir c’est savoir », devise placardée à l’entrée du pavillon anthropologique de Chicago en 1893 légitime le passage aux zoos humains. Leur déploiement dans les principaux pays européens renvoie toujours à l’intersection de ces deux pulsions.
On commence par exhiber son folklore villageois, puis ses bons sauvages et ses monstres, présentés comme d’authentiques animaux humains. Mais la longue histoire des taxinomies légitime la volonté de connaître, de classer, de dominer cette fantastique diversité qui va de l’herbier à l’étude des races humaines, expression qui dans son contexte ne mérite pas de guillemets.
L’Exposition universelle de 1878 à Paris présente de nombreux individus issus de cultures non-européennes dans des « villages indigènes ». Si ce terme est bien sûr inséparable de l’histoire du colonialisme occidental, les sujets exposés – on devrait dire sujets-objets – viennent aussi de Java, des îles Samoa.
Cousues dans l’histoire même des nations européennes, ces exhibitions d’êtres humains rendent passionnantes les différentes contributions de ce travail. Les exemples varient, chaque pays a sa manière de spectaculariser l’autre, cela enferme beaucoup d’ébahissement stupide, de maltraitance et de mépris pour le différent.
Phénomènes de foire.
Entre 1830 et 1860 sont présentés à Londres des spectacles d’« hommes exotiques ». Ils sont situés très souvent dans le sillage d’animaux ou de momies égyptiennes. Si le but est d’enseigner par là la grande diversité de l’espèce humaine, c’est avant tout l’aberration tératologique qui est recherchée. Ces spectacles s’inscrivent dans la catégorie des freak shows, autrement dit de phénomènes de foire.
Un concept que n’ignorent pas les États-Unis avec les cirques ambulants, lancés en 1836 par P. T. Barnum. On lira l’incroyable histoire de Joice Heth, très vieille femme à la peau ridée qui pesait 20 kg et aurait eu... 161 ans. L’Allemand Hagenbeck se rendit célèbre à partir de 1875 avec ses tournées européennes où, là encore, Lapons et Africains succédaient aux exhibitions d’animaux.
...Voir c’est savoir, mais l’obscène présentation d’un étranger nécessairement étrange réduit le voir au voyeurisme et n’induit aucune connaissance, sinon celle du pittoresque de la diversité.
Comme l’expriment remarquablement Gilles Boëtsch et Yann Ardagna, « exhiber des hommes en compagnie d’animaux, puis seuls, dans des lieux réservés habituellement aux animaux, tels les jardins d’acclimatation, n’est bien sûr pas anodin. Et présenter ces hommes comme échantillons de « races » non évoluées et non éducables constitue des pratiques qui ont participé grandement à forger les bases solides d’un racisme populaire.
« Zoos humains et exhibitions coloniales », sous la direction de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire, La Découverte, 540 p, 29,50 euros.
* Du 29 novembre 2011 au 3 juin 2012 (www.quaibranly.fr). L’historien Pascal Blanchard en est l’un des commissaires scientifiques, le commissaire général étant Lilian Thuram, président de la fondation Éducation contre le racisme).
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