LA SCÈNE primitive de « l’Homme simplifié » est bien connue. En liaison avec un service téléphonique, et après un quart d’heure de Vivaldi, un automate à la voix inhumaine vous somme de prononcer des mots ou vous réoriente par la brutale infonction « Appuyez sur la touche étoile ». C’est ainsi que les technologies d’(information et de communication nous restreignent de plus en plus à des choix binaires, nous plongent dans un monde simplifié, robots reproduisant des robots. Le même scénario se reproduit avec d’autres machines, d’autres systèmes : logiciels d’administration, scanners de contrôles biométriques…, qui régentent notre vie parfois à notre insu (télésurveillance).
Pourquoi cette servitude volontaire, non prévue par La Boétie, cette dépendance à des machines qui étaient en principe à notre service ? En théorie, rien de plus sympathique que de simplifier notre vie ? Mais il ne faut pas confondre simplicité et simplification. C’est la seconde qui est à l’origine de la disparition de la syntaxe et de l’orthographe dans les SMS, par exemple. Et c’est aussi comme par volonté de simplifier qu’on ne fait plus de différence entre amis réels et virtuels.
Il en résulte une érosion de tout ce qui fait l’humanité de l’homme : la poésie, la profondeur, l’ambivalence que véhicule le langage. Ce que l’ouvrage révèle avec force et talent, c’est que l’homme s’est arraché à l’animalité grâce au langage et à la technique, mais que, peu à peu, la seconde vide le premier de sa complexité et de son intériorité.
Haine de la nature ?
C’est également à l’artificialisation inhumaine de notre vie que s’en prend Christian Godin, en affirmant que partout se révèle une haine de la nature. On peut pour le moins s’étonner d’un propos terriblement réitéré et lancé de manière frontale. Une haine de la nature, à une époque ruisselante de discours sur le développement durable, la préservation de l’environnement et l’appel comminatoire au tri sélectif ? Ceci n’impressionne pas l’auteur. Bien sûr, on aime son petit coin de nature, son pré à barbecue, ses souvenirs de petit Olympio, mais on n’aime pas LA Nature, que l’on continue à défigurer, taillader, recouvrir de barrières et de goudron, en fonction des exigences de l’économie et des intérêts privés. D’ailleurs, la nature a pratiquement disparu de la littérature, de la peinture et du cinéma, dit l’auteur, citant Michel Serres : « Lisez ce qui paraît en France depuis ma naissance, au titre de philosophie, vous n’y trouverez pas une racine d’arbre, une cascade, un fleuve, la plaine, le discours de l’océan… »
Parmi les accusés, la science-fiction : « En diffusant depuis plusieurs années l’idée qu’il est temps de quitter une Terre devenue un enfer, la science-fiction contribue pour beaucoup au rejet haineux et méprisant de la nature. » Mise en cause aussi, l’inéluctabilité de la consommation d’énergie, mais, plus philosophiquement, l’immense et infinie volonté prométhéenne de s’emparer de cette nature finie. Il n’est pas jusqu’à Hegel qui ne soit mis en cause, lui qui voit le triomphe de l’esprit dans les villes, opposées à la bassesse primaire des campagnes.
Christian Godin, que l’on sait cinéphile, n’a pas dû voir « Into the Wild », le film saisissant de Sean Penn. Et il a dû oublier « Délivrance », de John Boorman (1972), qui révèle tout ce que l’extase chlorophyllienne cache de cruauté et de sauvagerie.
Jean-Michel Besnier, « l’Homme simplifié - Le Syndrome de la touche étoile », Fayard, 202 p., 18 euros.
Christian Godin, « la Haine de la nature », Champ Vallon, 223 p., 19 euros.
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