Au théâtre, « Face à face », d’Ingmar Bergman

Identification d'une femme

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Publié le 17/01/2019
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Théâtre-Face à Face

Théâtre-Face à Face
Crédit photo : PASCAL VICTOR/ARTCOMPRESS

Dans la première scène du spectacle, on voit Jenny, psychiatre dans un hôpital, aux prises avec une de ses patientes, très ambivalente et agressive. On devine que la praticienne est fatiguée. Tandis que son mari est au loin, donnant des conférences, elle part en vacances quelques jours. Une scène, dont on ne sait pas si elle est de l’ordre du réel ou du cauchemar, montre un cambriolage et une tentative de viol. Dès ce moment Jenny perd pied, comme si elle ne se pardonnait pas à elle-même… Plus tard, une tentative de suicide mènera au long et lent chemin pour se reprendre.

Ainsi abruptement résumée, l’action de « Face à face », film d’Ingmar Bergman tourné à une époque, le milieu des années 1970, où lui-même ne va pas bien du tout, porte les traces des doutes dépressifs de l’artiste. Transposant cette matière, Léonard Matton lui donne une complexité narrative belle, mais difficile. On n’est jamais certain de rien dans cet univers, avec les parois translucides, des projections, un monde aux contours mouvants.

Sur le plateau, le seul point sans cesse présent, ici ou là, est un lit. Maladie, refuge, rêve, éros, tout s’y inscrit, tandis que les protagonistes vont et viennent : sept comédiens pour vingt-quatre rôles. Seules l’interprète de Jenny, Emmanuelle Bercot, et celle d’Anna, sa fille, Lola Le Lann, ne jouent qu’un personnage. Les autres passent d’une figure à l’autre avec précision : Évelyne Istria, Nathalie Kousnetsof, Philippe Dormoy, David Arribe, Thomas Gendronneau. Remarquables interprètes. Les proches, mais dont on a le sentiment que Jenny ne peut plus les reconnaître.

Vu aux Plateaux sauvages*, le spectacle est difficile et long. Léonard Matton devrait resserrer pour que l’on ne soit pas perturbé par des moments difficiles à comprendre. L’extraordinaire Emmanuelle Bercot réussit à nous faire saisir les pensées et mouvements d’âme contradictoires de Jenny. Réussit à nous faire toucher l’absence, la souffrance, la perte, l’abandon, la dépression, l’intelligence qui palpite malgré les poids du chagrin, et la vitalité rayonnante de cette femme. Une très grande artiste. 

 

 

 

Théâtre de l’Atelier, jusqu'au 24 février. À 21 heures du mardi au samedi, 15 heures dimanche. Tél. 01.46.06.49.24, www.theatre-atelier.com
 

* Espace de création artistique installé dans le 20e sous l'égide de la Ville de Paris

 

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9716