Interrogations d’écrivains

Publié le 18/02/2013
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En marge de ces romanciers qui écrivent la « vie imaginaire » d’autres personnalités, Charles Dantzig et Haruki Murakami s’interrogent, l’un sur la notion de chef-d’œuvre, l’autre sur nos sociétés face au terrorisme.

Essayiste, poète et romancier (« Dans un avion pour Caracas », l’année dernière), Charles Dantzig se demande, dans « A propos des chefs-d’œuvre » (1), s’il existe un critère du chef-d’œuvre littéraire. On voit que le temps ne fait rien à l’affaire – un livre peut être considéré comme un chef-d’œuvre du vivant de son auteur et un autre peut perdre ses galons au fil du temps –, non plus que la quantité de lecteurs – le chef-d’œuvre n’est pas démocratique, mais il arrive qu’un chef-d’œuvre soit aussi un best-seller, etc. Au terme d’une argumentation parfois contradictoire mais à la fois érudite et plaisante, qui nous entraîne d’Homère à Walt Disney, on retient sa définition du chef-d’œuvre : ce qui « nous élève au-dessus de la banalité, de la médiocrité, de la monotonie ».

Plusieurs fois favori pour le Nobel de littérature et auteur notamment de la trilogie au succès planétaire « 1Q84 » (disponible en 10/18), Haruki Murakami revient, dans « Underground » (2), sur l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, le 20 mars 1995, par des disciples de la secte Aum. Profondément marqué par cet événement tragique, il est allé recueillir les témoignages des victimes – nous faisant ainsi découvrir plus intimement la société japonaise, notamment son rapport au monde du travail – mais aussi des adeptes de la secte – détaillant les méthodes d’endoctrinement. Dressant un parallèle avec les thèmes fondamentaux de ses livres : l’étrangeté au monde, le culte du chef, le mal venu des profondeurs, Haruki Murakami interroge finalement chacun d’entre nous – et si les fanatiques d’Aum n’étaient que les effrayants miroirs de ce dont nous sommes tous capables ? – ainsi que la société – qui préfère refouler les terroristes comme des corps étrangers sans s’interroger sur ce qui les a rendus tels.

(1) Grasset, 272 p., 19,80 euros.

(2) Belfond, 580 p., 22 euros.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9219