APRÈS AVOIR rappelé la nécessité de la philosophie (« C’est avoir les yeux fermés sans tâcher de les ouvrir que de vivre sans philosopher »), Descartes assure la questionneuse de la nécessité de partir toujours de principes très clairs. On pense à la première règle du « Discours », celle de l’évidence. De là on peut, s’inspirant de la pensée mathématique et de ses « longues chaînes de raison », y ajouter de rigoureuses déductions.
Fort habilement, et nullement impressionnée, Mazarine Pingeot oriente le grand penseur vers le doute systématique et le célèbre cogito. Il ne se fait pas prier, on peut douter de tout, sauf... du doute lui-même et du fait que lorsqu’on doute on pense, et que par conséquent on est.
Grand voyageur, le philosophe français n’a de cesse de comparer la philosophie à une randonnée, un trajet – d’ailleurs, « méthode » signifie cheminement. Il est, selon Péguy, « ce cavalier tranquille parti d’un si bon pas ». Justement, la philosophie est-elle accessible à ceux qui n’en font pas, lui est-il demandé. Et il répond : « Bien qu’on soit mis par après dans le droit chemin, on ne peut pas arriver sitôt que si on n’avait point marché auparavant. »
Quittant le domaine théorique, l’interview « accouche » le penseur tourangeau d’aveux intéressants sur Galilée, l’unité des sciences, les doctes qu’il déteste, et surtout le péché par excellence, l’irrésolution, où ressurgit la métaphore du voyage : quand on est perdu dans une forêt, il vaut mieux aller tout droit plutôt que d’hésiter et revenir en arrière. L’occasion de se souvenir d’un Descartes cavalier, participant en mercenaire aux guerres de l’Europe.
Quel intérêt, quelle valeur peut-on conférer à cet exercice en général ? Le sel est dans la question, son caractère anachronique, puisque toutes les réponses sont du pur Descartes. Ainsi de l’interrogation « Être novateur, voire révolutionnaire, ne vous rend-il pas fier ? », qui utilise une notion à 10 000 lieues du vocabulaire cartésien.
Ce procédé fait un peu penser à ces gags télévisuels conduisant des célébrités à proférer involontairement des réponses ridicules à des questions fabriquées. Mais ne boudons pas notre plaisir. Songeons qu’après cette interview, Descartes va mourir de froid en Suède, mandé par l’arrogante Christine.
Remercions Mazarine de sa connaissance cartésienne, et de ce livre plein d’astuce et de bon sens, qui est la chose au monde la mieux partagée.
Mazarine Pingeot, « Entretien avec Descartes », Plon, collection « L’Entretien », 140 p., 13 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série