« Le Vieux juif blonde » et « L’Occupation »

Jeunes femmes avec personnalité

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Publié le 11/10/2018
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Théâtre-Romane Bohringer

Théâtre-Romane Bohringer
Crédit photo : MARION STALENS

Elle a 24 ans. Elle a un peu tourné. Le hasard des rencontres fait qu’elle débute au théâtre sous la direction d’un très grand cinéaste allemand, Volker Schlöndorff (« le Tambour », « Retour à Montauk »), avec un texte qu’elle aime, l’étrange « le Vieux juif blonde », d’Amanda Sthers (1). La personnalité, l’autorité de Camille Razat, frappent, bien guidée qu’elle est par le réalisateur, très rare au théâtre.

Dans un décor simple mais très évocateur d’Okarina Peter et Tomi Dentler, fond de bouleaux, sol jonché de feuilles qui brille comme s’il était humide, chaise, la jeune comédienne n’a pour appui que la présence d’un musicien, Stanislav Makovsky, qui intervient peu, toujours à bon escient. Il est en marge. Toute la responsabilité de la représentation repose sur les épaules de la jeune femme fine et vive, à la voix très bien placée et qui porte le texte troublant d’Amanda Sthers en l’éclairant.

Texte qui tresse les destins d’une adolescente d’aujourd’hui et d’un vieil homme. Schizophrénie ? Vision ? L’auteur a écrit en quarante-huit heures ce monologue qui déstabilise. Elle dit qu’elle ne sait pas d’où il lui est venu.

On saisit le trajet de la jeune femme, les drames de sa vie. On est du côté d’une performance d’interprète. Sous le charme. Volker Schlöndorff est précis et nous permet d’appréhender au plus profond l’écriture. Et l’on est vraiment ému par Camille Razat, sa sensibilité et son intelligence. Délicat et superbe travail, entente profonde d’une interprète et d’un metteur en scène.

La jalousie

Romane Bohringer, elle, a du métier. Elle revient au théâtre alors que sort le film qu’elle a coréalisé avec son ex-mari Philippe Rebbot, « l’Amour flou ». Elle est dirigée par Pierre Pradinas. C’est le neuvième spectacle qu’ils signent ensemble. « L’Occupation », d’Annie Ernaux (2), est un texte très féroce sur la jalousie. Comme d’habitude, l’écrivain ne se ménage pas. Elle est si précise dans la description de son comportement, qu’elle atteint une sorte d’universel qui touche chacun. Ou plutôt chacune.

Un décor et des vidéos, et une installation de musique avec claviers et harpe. Christophe « Disco » Minck est un partenaire important et Romane Bohringer elle-même intervient aussi côté musique. Comédienne, elle est remarquable. Belle voix, élocution parfaite, sensibilité, finesse. Et tout un registre d’états et d’humeurs, moments de danse, moments de cocasserie, d’extravagance, qui n’amoindrit en rien les aveux d’Annie Ernaux.

Un objet théâtral très original dans lequel on retrouve l’inventivité de Pierre Pradinas et le grand talent de Romane Bohringer. Leur complicité ancienne et profonde. On rit autant qu’on est ému. Une vraie réussite.

(1) Théâtre des Mathurins, jusqu'à la fin de l'année. Du mercredi au samedi à 19 heures, durée 1 h 10. Tél. 01.42.65.90.00, www.theatredesmathurins.com
(2) Théâtre de l’Œuvre, jusqu'au 2 décembre. Du jeudi au samedi à 19 heures, dimanche à 17 h 30, durée 1 h 15. Tél. 01.44.53.88.88, www.theatredeloeuvre.com
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Erratum : Dans l’article consacré à « la Nuit des rois », une étourderie nous a fait écrire que Viola tombait amoureuse du travesti… C’est évidemment Olivia qui est séduite par Viola déguisée.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9693