CINÉMA - « Potiche », de François Ozon

Kitsch et boulevard assumés

Publié le 17/11/2010
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Crédit photo : DR

EN ADAPTANT la pièce de Barillet et Grédy, triomphe des années 1970 avec Jacqueline Maillan, Ozon avait en tête la leçon d’Hitchcock, qui disait : « Quand on adapte une pièce de théâtre, il faut assumer que c’est du théâtre. » Si « Potiche » n’est pas un huis-clos, à l’inverse du séduisant « 8 Femmes », il utilise à plein les codes du théâtre de boulevard, portes qui claquent, entrées et sorties spectaculaires, portes qui claquent, révélations en cascade, etc. De même qu’il joue jusqu’au bout le choix du kitsch dans l’évocation des années 1970, même si le réalisateur introduit quelques savoureuses références contemporaines.

Aucun détail n’est négligé dans les décors, les costumes, les coiffures (très important, le style « Drôles de dames »), la musique (dont la chanson de Michèle Torr, « Emmène-moi danser ce soir », hit de 1977-1978). Et jusqu’à la manière de jouer, qui rappelle le ton des téléfilms et séries de l’époque. Pourtant, comme le veut le réalisateur, cette évocation du rôle de la femme dans la société ne paraît pas dater autant que cela.

La potiche, c’est l’épouse d’un industriel de province, fabricant de parapluies, qui a hérité de l’usine par son mariage. Un rôle dont elle se satisfait bon an mal an sans en être totalement dupe. Une grève et un malaise de l’époux vont faciliter son émancipation. Évidemment, au début, on se dit que le rôle convient mal à Catherine Deneuve. De même que ceux de Karine Viard en secrétaire ou de Judith Godrèche en méchante réac. Et puis la magie du cinéma, ou plutôt l’imagination et le style du metteur en scène et le talent des actrices entraînent le spectateur. Moins caricaturaux qu’ils ne le semblent au départ, les personnages nous conquièrent, même si l’accumulation vaudevillesque des secrets de famille est un peu fatigante.

Deneuve est grande et surtout drôle, l’air de ne pas y toucher, sans jamais sembler faire son numéro. Même Luchini reste relativement discret. Et Depardieu, en communiste sentimental, est émouvant comme il sait l’être quand il veut, ce qui n’est pas toujours le cas.

« Potiche » fait rire sans façons. Avec en plus le plaisir, comme toujours avec les films de François Ozon, d’une vision originale, d’un détournement de genre iconoclaste sans être destructeur.

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8857