La brouchecoutaille

Cinéma

Pas question de voir « Aimer, boire et chanter » comme un film testamentaire. Mort au début du mois à 91 ans, Resnais préparait une nouvelle production, intitulée « Arrivée et départ », inspirée elle aussi, et comme « Smoking - No Smoking » d’une pièce du Britannique Alan Ayckbourn. Et qui aurait sans nul doute été également inclassable.

Théâtre filmé ? Oui, pour le bonheur de ceux qui savent apprécier la précision et la richesse du travail des comédiens. Mais aussi cinéma. Et un peu bande dessinée (signée Blutch). « Je voulais, expliquait le cinéaste, tenter de faire ce que Raymond Queneau appelait dans "Saint-Glinglin" la "brouchecoutaille", c’est-à-dire une sorte de ratatouille, abattre les cloisons entre le cinéma et le théâtre, et ainsi se retrouver en pleine liberté. »

Ainsi, par la magie de quelques images de routes anglaises, de décors colorés et d’une poignée de dessins, le spectateur se retrouve-t-il dans le Yorkshire. Ainsi le vaudeville se transforme-t-il en exercice de style et est-on presque prêt à croire qu’André Dussollier est un fermierquasi mutique.

Le vaudeville : trois couples « normaux ou ce qu’on appelle normaux », comme dit Resnais, déstabilisés par un certain George, qu’on ne voit jamais mais qui est au cœur de l’intrigue. Les trois femmes (Sabine Azema, Caroline Silhol, Sandrine Kiberlain) auront chacune de bonnes raisons de consacrer du temps à George, aux dépens de leur couple et de compagnons dépassés (Hippolyte Girardot, Michel Vuillermoz et, donc, Dussollier).

Si on admire la belle ouvrage, si on rit raisonnablement, il manque tout de même une proximité avec les personnages qui faciliterait l’empathie et pour tout dire l’émotion. Elle arrive avec les dernières images et le mot « Fin » qui s’inscrit sur l’écran. À l’ancienne.