ÂGÉ de 59 ans, Chan Koonchung, intellectuel, cinéaste et journaliste qui a grandi à Hongkong et vit aujourd’hui à Pékin, est l’auteur de plusieurs essais et des nouvelles jusque-là non traduites en français. « Les Années fastes », son premier roman, décrit une Chine devenue première puissance mondiale, où les citoyens se sentent libres et heureux à condition de ne pas franchir certains interdits.
Le héros, Lao Chen, est, comme l’auteur, un écrivain qui a grandi dans « l’autre Chine » et qui mène maintenant une existence agréable dans la capitale. La Chine a profité d’une rechute des économies occidentales en 2011 (le livre a été écrit en 2009 !) pour s’imposer et faire des Chinois des gens prospères, donc heureux. Il y a bien quelques voix pour murmurer que tout n’est pas si rose, et puis cet ami de longue date qui lui affirme qu’un mois entier de l’année 2011 a disparu ! Lao Chen, comme les autres, ne se souvient de rien.
Il doute, il ne croît pas en une amnésie collective, mais quand la femme dont il tombe amoureux, une ancienne juge devenue militante des droits de l’homme, est menacée d’être enfermée dans un hôpital psychiatrique, il doit agir, et d’abord de comprendre ce qui s’est vraiment passé durant ce mois effacé de l’Histoire et des mémoires.
Comment les contestataires vont parvenir à leurs fins n’est qu’une anecdote ; ce qui compte, c’est la relation du tournant pris par la Chine face aux nouvelles donnes économiques et comment ce pays s’impose au reste du monde avec la participation obligée de sa population.
Capitalisme autoritaire.
Le roman est si peu d’anticipation et les éléments de base tellement concrets – faits historiques et économiques, lieux, personnages... –- que Chan Koonchung nous met face à une réalité tout à fait plausible, et donc effrayante. Rien moins qu’« une dictature fasciste à la chinoise, mélange de nationalisme, de traditionalisme culturel et de pureté raciale nationale ».
Le scénario qu’il déroule, ou plutôt la stratégie qu’il décortique via le discours d’un dignitaire enlevé et contraint par les dissidents, est tout à fait réaliste. N’est-ce pas ainsi que va la Chine depuis plus d’une décennie, avec un Parti communiste toujours dictatorial mais tourné vers le capitalisme – plus de prospérité économique contre moins de libertés politiques –, et au final une population globalement pas trop mécontente ?
Interrogé par des confrères, l’auteur se montre d’ailleurs lui aussi très réaliste quant au « paradis artificiel » ainsi créé. « Pendant longtemps, les Chinois ont eu le choix entre un bon enfer et un mauvais enfer. Maintenant, le choix est entre un bon enfer et un faux paradis. Si j’étais confronté à ce choix, je choisirais le faux paradis. Vous pouvez vivre bien dans le mensonge. Si vous regardez vers le passé, vous êtes tout le temps malheureux à mener une bataille perdue contre l’État. Il faut apprendre à fermer un peu les yeux et tourner le regard de l’autre côté. Autrement, vous êtes tout le temps malheureux. »
Grasset, 417 p., 20 euros.
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