ANTIDOTE, donc, au prêt-à-penser, au risque parfois d’une provoc un peu « gonflée ». La clope et la Rolex ont retenu notre attention. D’autres titres alléchants : « Liliane est au lycée – Est-il indispensable d’être cultivé ? » et « J’ai demandé un rapport – La politique est-elle l’affaire de spécialistes ? ».
On ne trouvera pas ce qu’on redoute dans le petit essai de Guillaume Pigeard de Gurbert (est-ce une anagramme ?) sur le tabac. Les énièmes dissertations sur les difficiles relations fumeurs-non- fumeurs. Ni, heureusement, la déploration d’une société qui bannit le plaisir et sombre dans l’hygiéniquement correct. L’auteur s’en prend au début au caractère « lapidaire, expéditif et imparable » de la formule « fumer tue » : « Cela parle fort, mais cela ne fait pas grand-chose. » C’est un peu, dit-il, comme la peine de mort. Argument assez bizarre, puisqu’il est difficile de se représenter soi-même mort et d’en frémir. De la même manière, il refuse les images atroces apposées sur les paquets et soupçonne qu’elles cachent une complicité diabolique : il y a un lien qui entre l’apparente terreur et le néolibéralisme qui consiste à faire fumer. De fait, affirme-t-il, nous faire arrêter de fumer n’est pas l’équivalent d’une interdiction, mais nous ouvre aux produits de substitution. Soit, mais en progressant dans ces curieux énoncés, on arrive, masque jeté, vers un plaidoyer culturel. Il faut retrouver l’art de fumer que pratiquaient par exemple les Amérindiens de l’époque précolombienne. L’auteur flétrit une « posture idéologique antitabac qui dispense de penser d’autres pratiques et de cultiver des crus différents ». Selon lui, l’horreur, ce sont les champs de tabac remplacés par des champs de maïs génétique et, de manière générale, c’est la cigarette comme produit industriel standardisé, sans charme, sans classe, qui est l’objet de son ire.
Pourtant, qui ne voit quel désir d’immortalité s’élève en même temps que la fumée ? Une émotion qu’on ne peut pas partager dans ce livre bien écrit, malin, un peu snob, et dont certains arguments témoignent d’une touchante mauvaise foi.
La vie de traviole.
En ironisant sur l’obsession de réussir sa vie, en particulier en l’accrochant au Veau d’or, Yann Dall’Aglio semblait nous conduire vers le très convenu. De fait, s’accrochant à « la Vie heureuse » de Sénèque, il réitère que l’argent ne doit pas conditionner notre bonheur puisque nous en devenons inquiets, affairés, donc malheureux. Mais l’ouvrage prend un tour insolite qui nous interroge sur l’éducation, le loisir et le labeur, plus le risque que nous courons en étant infantilisé ou réduit en esclavage.
Nous devons selon l’auteur refuser tout modèle qui nous enferme collectivement, par exemple, l’idée d’une croissance économique inéluctable ou, de manière singulière, celle que l’homme a besoin d’un gri-gri, d’une marotte particulière, d’un crochet pour suspendre sa vie monoidéiste. Optons pour l’échec, choisissons, est-il préconisé, « la vie de traviole », détournons les codes dans un univers subverti par l’humour. « Ce ne sont pas les grévistes qui prennent en otages les usagers, mais l’idée même d’être usager qui prend en otage la joie. » Un texte insolite, entre Jarry, Groucho Marx et un certain libertarisme.
Guillaume Pigeard de Gurbert, « Fumer tue - Peut-on risquer sa vie ? », 112 p. ; Yann Dall’Aglio, « Une Rolex à 50 ans - A-t-on le droit de rater sa vie ? », 120 p., Flammarion/Antidote, 8 euros.
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