L’AUTEURE s’était il y a peu demandé « Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie » (Seuil, 2010). Multiples sont les questions qu’elle adresse au concept de crise. Qu’est-ce qui permet de la réduire comme on le fait si souvent à l’économie ? Concept trop étroit : on voit bien que la crise est liée à l’identité, à l’autorité, à l’école, aux valeurs et à la modernité en général. Trop vaste : quand on gagne en extension, on perd aussi en compréhension.
Plus inquiétant pour la philosophe : la crise est à la fois objective, insérée dans le tissu du réel social et liée à la conscience que nous en prenons. Le mot grec krisis désigne le jugement, autrefois judiciaire, puis médical. C’est en fait, en particulier pour le médecin, l’instant de la décision à prendre.
Voilà qui complique les choses. La décision signifierait que la crise… annonce la sortie de cette crise. Peut-être ceci serait-il bien expliqué par Raymond Devos, puisque, manifestement, nous n’en sortons pas…. Et pour s’en tenir au titre, « crise sans fin », n’est-ce pas là un oxymore ?
Ce qui nous est montré avec force dans ce travail, c’est le lien profond entre le surgissement de la crise, la conscience qui cherche à l’appréhender et la temporalité. Beacoup de valeurs héritées du passé se dissolvent devant nous (une certaine conception de l’autorité, par exemple), sans qu’un « horizon de sens » se déploie dans le futur. Nous stagnons, dit l’auteure, dans une « fulgurante immobilité ».
Ce qui est en cause ici, c’est bien sûr la modernité, cette configuration héritée de la Renaissance et des Lumières, unissant Savoir, Progrès, Bonheur et Liberté. Tout ceci a été anéanti par les deux atroces totalitarismes du XXe siècle, sans que les religions fournissent aujourd’hui une planche de salut. Nous sommes devenus « post-modernes », la belle affaire ! Cela nous permet de traiter notre corps suivant les règles de la gestion capitaliste et de ricaner avec Michel Houellebecq.
Précisément, il y a entre la crise et la modernité un lien consubstantiel, parce que cette dernière, dit Myriam Revault d’d’Allonnes, « se donne comme une rupture qui a touché au fondement même du savoir et de l’autorité, elle a engagé un interminable questionnement sur sa légitimité, sur la teneur de son expérience et sur son rapport à soi ».
En d’autres termes, au lieu d’envisager la crise comme un accident de la substance, un coup de timbale dans la symphonie, il faut y voir la forme aiguë et métaphorique de la conscience de soi.
Un livre parfois difficile, mais accrocheur, entêté, hégélien. Authentiquement philosophique.
Myriam Revault d’Allonnes, « La Crise sans fin », 197 p., 19,50 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série