« Festina lente », disait Horace (« Hâte-toi lentement »), une maxime qui reflète une volonté de ne pas sombrer dans l'hystérie moderne et l'agitation stérile. Ce n'est bien sûr pas un hasard si cet essai commence avec la figure familière de Charlot avalé et recraché par la machine, pauvre être hagard, incapable de dominer, ne pouvant que subir ce qui lui arrive. Ainsi s'impose, dit très justement Laurent Vidal, l'association entre lenteur et fragilité sociale.
L'auteur décrit avec soin le surgissement d'un âge mécanique, que l'écrivain anglais Thomas Carlyle décrit crûment : « Les êtres humains eux-mêmes sont devenus mécaniques, dans leur tête et leur cœur, en même temps que dans leur main », dit-il en 1829. Le poète allemand Henri Heine annonce quant à lui « la transformation de l'homme en instrument ». Ces notations se découpent sur fond de valorisation de l'attention, qui est en fait le carburant du travail, en même temps que l'on flétrit les hommes de l'inattention, « ceux qui n'arrivent à adapter ni leur cœur, ni leur corps ni leur esprit à la discipline imposée par la machine ». Tout comme on flétrit ceux que l'on peut croiser dans une gare et qui, au lieu d'être embrayés sur l'action, manifestement ne sont rien.
Après l'homme indolent des XVIIe et XVIIIe, les exclus de la révolution industrielle et les Indiens et colonisés souvent jugés aussi comme « indolents » par ceux qui les dominent, qui sont les hommes lents d'aujourd'hui ? Ceux que l'on renvoie à leur inutilité sociale ? Un livre très original, d'où ressort l'idée de rythmes imposés à notre corps, qui condamnent Charlot à rebondir sans fin.
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