ILS SONT DEUX sur la couverture du livre, mais Jim Gemmel intervient peu. Comme le rappelle la préface de Bill Gates himself, il collabore avec Gordon Bell à un projet intitulé « My Life Bits », jeu de mots en anglais signifiant « mes morceaux de vie », bit désignant aussi une unité informatique binaire.
Reprenons. Imaginez que vous puissiez enregistrer toute votre vie grâce à une foule de dispositifs. Vous allez peu à peu numériser tout votre passé, « cartographier votre passage sur terre », dit G. Bell, pour vous et pour les autres quand vous ne serez plus là. Vous pourrez ainsi vous constituer une e-mémoire. Pourquoi commencer ces phrases par « Imaginez » ? Aujourd’hui, qui l’ignorerait encore, nos vies s’enregistrent déjà à travers les appareils de photo numériques, les mails, les Black-Berry et autres portables. Capteurs et enregistreurs numériques recensent impitoyablement nos vies, y compris dans les plus petits détails, un passage à un poste de péage par exemple.
Peu à peu, toute notre existence pourra être stockée dans des dispositifs de plus en plus petits et de moins en moins coûteux, s’émerveille Gordon Bell. Peu à peu, tout notre passage sur terre s’insérera dans le « lifelogging », les fichiers électroniques de notre vie.
Les avantages de cette e-mémoire par rapport à la pauvre mémoire existentielle sautent aux yeux. Vous disposerez à chaque instant de l’information souhaitable dans votre situation professionnelle. Déjà, VRP et managers peuvent consulter à tout moment leurs dossiers financiers. Et pouvait-on oublier le cas des médecins disposant de dossiers au chevet de leur patient ?
Ambulatoire.
Car mieux (certains diront pire), ces informations relèvent de l’ambulatoire. C’est toute notre vie qui va nous escorter à tout moment grâce à des capteurs insérés dans notre corps. Voici un blessé en rase campagne ; les services de secours seront à même de consulter immédiatement son dossier cardiaque, au-delà de l’observation immédiate, bien sûr.
Après, on bascule dans le Total Recall effectif. Une chose est de retrouver la feuille d’impôts d’il y a trois ans, une autre de disposer du film total de sa vie. Que faire des mille détails sans intérêt ? Rassurez-vous, dit l’auteur, un dispositif est prévu pour les garder en stand-by.
Voici le moment de votre vie où vous avez craqué pour une dame ressemblant à Rita Hayworth. Cette fascination, vous le savez, vous mènera au divorce. Est-il agréable de revoir ses illusions ? De reparcourir les insensées bifurcations d’une existence ?
Et puis, et c’est ce qui sur le fond rend le livre contestable, il est plaisant de ne pas retrouver un nom, d’errer et de le voir ressurgir après un appel aux souvenirs. Ce plaisir n’existe pas si une machine nous le livre instantanément.
Contestable car peut-être trop américain, « Total Recall » nous annonce notre vie notre vie clefs en main grâce à cette e-mémoire. Mais ce verrouillage informatique est-il une mémoire ? Celle-ci est une conscience avec ses trous, son vécu, vieille peau usée et couturée de la vieille Europe, pleine d’horreurs et d’émois. Notre langue serait-elle équipée d’une puce propre à déceler à travers une tasse de thé la resurgescence du goût d’une e-madeleine ?
Gordon Bell, Jim Gemmell, « Total Recall », Flammarion, 340 pages, 22 euros.
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