La paix des femmes

DES FEMMES en noir, certaines voilées, d’autres portant une croix, serrant contre elles la photo d’un mari, d’un père ou d’un fils ; elles avancent de concert, en dansant, en direction du cimetière. C’est la première image, très forte, du deuxième film de Nadine Labaki, qui avait déjà conquis les spectateurs (surtout spectatrices) français avec « Caramel ».

Jusqu’où une mère irait-elle pour empêcher son fils de de se battre ? C’est la question que la réalisatrice s’est posée lorsqu’elle a appris qu’elle attendait un enfant. C’était en mai 2008 et ce jour-là, Beyrouth avait, dit-elle, « repris une fois de plus le visage de la guerre ». « Jusqu’où irais-je, a-t-elle pensé, pour que mon enfant n’aille pas voir ce qui se passe dehors et s’imaginer qu’il doit défendre son immeuble, sa famille, ou ses idées ? »

La réponse est dans le film, plutôt sous forme de fable que de manifeste politique, et c’est heureux. Voici un village coupé du monde par un pont miné et dévasté par les obus. L’église jouxte la mosquée et les femmes sont prêtes à tout pour que leurs hommes, chrétiens et musulmans, n’aillent chercher les fusils pour s’entretuer, comme on le fait non loin de là.

Mais qu’on n’imagine pas un sombre drame. Si la tragédie n’est pas absente, le ton est le plus souvent à la comédie, avec quelques échappées en chansons. « Tourner en dérision le malheur qui nous arrive est une manière de survivre et de trouver de l’énergie pour rebondir », explique encore la réalisatrice. Les surprises et les rebondissements abondent. Nadine Labaki mène son monde, femmes en tête, comédiens et non-professionnels mêlés, avec énergie et orchestre habilement nombre de scènes de groupes. Une belle et revigorante démonstration qui vient de recevoir le prix du festival international de Toronto.