IDEES - « Le Grand Livre des philosophes »

La philo sans jargon

Publié le 07/01/2013
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IL Y A BIEN SÛR beaucoup moins d’images matérielles, mais ce sont des images mentales qui nous viennent lorsque Robert Zimmer dévoile la conversion d’Augustin l’Algérien au christianisme en 386. Six ans avant que cette doctrine devienne religion d’État à Rome.

L’humour est présent lorsque l’auteur se demande si « le Prince » de Machiavel ne peut pas être considéré comme un « livre voyou » tant les recettes qu’il donne pour prendre et garder le pouvoir sont amorales. Mais le chapitre sur le Florentin refermé, on est bien convaincu qu’on a affaire à la naissance d’une philosophie politique.

Il faut à tout prix lire le chapitre sur Michel de Montaigne, tant il est à l’image des « Essais », léger et loin des lourdes thèses jargonneuses que redoute le profane (au point que certains puristes refusent le titre de philosophe au Bordelais). Robert Zimmer dépeint Montaigne comme « quelqu’un qui nous invite à une promenade vers un lieu précis, mais prend ensuite le premier sentier de traverse venu et finit par arriver en un tout autre endroit qu’annoncé ».

C’est de façon très émouvante que nous est contée la conversion de Pascal. Loin du recul sceptique de Montaigne, il s’éveille à la religion et fait coudre dans son manteau « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants… ».

Mais deux siècles plus tard, Ludwig Feuerbach, dans son œuvre majeure, « l’Essence du christianisme », donne un tout autre écho à notre rapport avec l’Éternel. Les qualités que nous attribuons à Dieu sont ce dont l’homme manque ; l’homme pauvre a un Dieu riche ; mortel, il conçoit par compensation un être éternel.

Bien avant la société de consommation, un autre philosophe allemand a entrevu les désillusions du progrès scientifique et matériel. C’est Nietzsche, qui nomme « dernier des hommes » l’être tourné vers la simple satisfaction de ses petits besoins et désirs égoïstes. Nettoyant le philosophe allemand des interprétations dangereusement rétrospectives de son Surhomme, Robert Zimmer le remet à sa place : le prophète de la Création, de la Vitalité et du Devenir.

En revanche, deux lignes seulement sur l’engagement nazi de Heidegger, sur 23 pages d’analyse, c’est bien peu. Il est vrai qu’il n’est peut-être plus question de philosophie.

« Le Grand Livre des philosophes », de Robert Zimmer, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Fayard, 525 p., 24,90 euros.

ANDRÉ MASSE-STAMBERGER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9207