COMME DANS la cour de récréation, les psychanalystes semblent fondés à dire : « Ce n’est pas nous qui avons commencé ! » Et longue serait la litanie des penseurs partis en guerre, contre le freudisme en particulier. Citons parmi les plus célèbres « l’Anti-Œdipe », de Deleuze et Guattari, la remise en cause de « Totem et Tabou » par René Girard et, bien sûr, la volée de bois vert assénée récemment par Michel Onfray dans « le Crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne ».
Faut-il parler d’ingratitude, si l’on s’en tient au titre du travail de Francis Flahaut, « Pourquoi la philosophie n’a-t-elle pas tiré profit de la psychanalyse ? » Cette dernière ne vise-t-elle pas à renforcer la recherche de la sagesse antique, ne va-t-elle pas dans le même sens que le « Connais-toi toi-même » ?
Mais il y a une grande naïveté à supposer que ceux qui viennent réaménager notre pré carré seront bien accueillis. La psychanalyse vient dire à la philosophie qu’une part importante de la conscience nous échappe, que nous ne sommes pas transparents à nous-mêmes et que ce « hors-champ » se change en symptômes douloureux.
La philosophie antique nous avait brusquement parlé de nos désirs excessifs, ubris et compagnie, mais l’insertion psychanalytique est plus fine ; le névrosé, dit Lacan, ne cesse de se préparer pour un voyage qu’il ne fera jamais.
Certes, les philosophes ont dit l’orgueil, l’amour-propre, le moi haïssable, mais le narcissisme est tellement plus riche ! Non, elle n’est pas bienvenue, cette discipline qui fait surgir des gouffres sous les pas de Socrate et Descartes.
Évoquant avec une grande clarté « les six piliers de la psychanalyse », Claire Pagès, qui rappelle que cette dernière est parcourue de dissensions et de chapelles, s’en tient quand même au classicisme freudien. Pour le maître de Vienne, « le caractère systématique de la philosophie est incompatible avec l’esprit de la psychanalyse ».
Voici un immense territoire de réflexion, déjà objet de raillerie de la part de Michel Onfray, lorsqu’on songe que les thèses de « Totem et Tabou », empruntées à Darwin, ne relèvent pas de la stricte observation expérimentale !
Soigner l’âme.
Au-delà de ces controverses qui pourront sembler à certains de nos lecteurs bien trop théoriques, le travail de Benoît Eyraud et Livia Velpry examine, au niveau hospitalier, « ce que l’histoire de la psychiatrie nous dit de la psychanalyse ». Ces auteurs analysent la situation « d’exterritorialité » de cette pratique, entre autres son peu d’efficacité par rapport aux psychoses. Prenant à la fois du recul et de la hauteur, ils s’interrogent sur les nouvelles logiques gestionnaires de la santé. Comment intégrer une pratique consistant à « soigner l’âme » dans un monde dominé à la fois par les neurosciences et un économisme absolu ?
Et, se souvenant que cette revue est placée sous la haute égide acronymique de l’anthropologue Marcel Mauss, comment tous ceux qui sont fâchés avec eux-mêmes accéderont-ils à la triade « Donner - Recevoir - Rendre » ? Car telle est la question persistante d’une revue axée sur le Don et la Reconnaissance, qui s’ouvre sur un hommage à Claude Lefort, disparu à l’automne dernier.
« Psychanalyse, philosophie et sciences sociales », La Découverte-MAUSS, 310 p., 23 euros.
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