« L'Enfant unique » (1) n'est pas un roman mais une enquête journalistique qui se lit comme un roman. La romancière Xinran (« Chinoises », « Messages de mères inconnues »), qui a grandi pendant la Révolution culturelle et qui vit en Angleterre depuis 1997, interroge la première génération issue de la politique de l'enfant unique, instaurée dans les années 1970.
Dix récits visent à faire ressortir l'impact de cette politique (qui vient d'être abrogée) sur les valeurs culturelles de la famille. On voit comment ces enfants, élevés comme des « empereurs » et des « princesses », ont focalisé l'amour mais aussi les angoisses de leurs parents et grands-parents, comment ils ont été gâtés et surprotégés, jusqu'à les rendre incapables de se débrouiller dans la vie quotidienne et plus tard de vivre en couple, peu enclins à devenir eux-mêmes des parents. À travers ces interviews, Xinran nous entraîne sur le chemin de la psychologie, de la sociologie, de l'économie et de l'histoire de la Chine.
Vincent Thibodeau aura bientôt 12 ans. Il a écrit « Tronche de zèbre » (2) entre 10 et 11 ans. Parce qu'il est surdoué, et parce qu'il a beaucoup souffert d'être un enfant précoce, pour aider d'autres « zèbres » ou leurs parents, il raconte la solitude, les maltraitances à l'école, tant de la part des élèves que des enseignants, les moqueries, la dévalorisation, mais aussi et enfin l'école à la maison, la vie de famille, les amis. L'ouvrage est complété par le témoignage de Julie Leduc, la mère de Vincent.
Max, que l'on découvre dans « Un petit glaçon dans la tête » (3), est également un petit garçon différent, qui s'est retranché dans le silence ; il voit aussi le monde autrement, comme une vaste palette de couleurs dont il connaît chaque nuance. À l'âge adulte, caché non plus sous l'escalier mais dans une institution psychiatrique, Max essaye de comprendre les raisons de son mutisme et d'entendre les non-dits de sa famille, qui peut-être l'expliquent. Construit en allers-retours entre enfance et âge adulte, le roman de Valérie Péronnet est à la fois glacial et poétique.
Quand on est vissé à un fauteuil roulant, enfermé dans un petit appartement, dans une triste cité des environs de Paris, avec une mère épuisée par le travail et les difficultés à joindre les deux bouts, pleine de rancune et sans tendresse, et que l'on a 13 ans, que peut-on espérer ? « Vouloir voler » (4) est un premier roman sans concession, à la fois portrait psychologique et chronique sociale lucide, dans lequel Martine Merlin-Dhaine donne la parole au jeune Tonio, qui s'est muré dans le silence depuis le départ de son père. L'arrivée de Lola, la nouvelle femme de son oncle, « noire comme un charbon brillant, tout en couleurs bariolées et en odeurs fortes, un sourire qui vous bouffe le cœur », peut-elle donner au garçon l'envie et la possibilité de s'envoler ?
On avait oublié qu'avant de devenir une prison pour femmes, la Petite-Roquette fut durant près d'un siècle une maison de correction pour enfants, où fut appliqué un terrible système pénitentiaire venu des États-Unis : l'isolement complet. Bénédicte des Mazery nous rappelle ce passé peu glorieux dans un émouvant roman intitulé « les Oiseaux de passage » (5), à travers l'histoire de Jacques, un fils de famille qui y fut détenu à l'âge de 11 ans, en 1838, pour « correction paternelle ». Comme ses compagnons d'infortune – vagabonds, mendiants, voleurs, orphelins –, il y a connu l'enfermement total, la solitude et le silence mais aussi les rêves pour survivre.
Comédienne et présentatrice de la météo sur TF1, Catherine Laborde est aussi auteure (« Si tu ne m'aimes pas je t'aime ») et elle raconte, dans « les Chagrins ont la vie dure » (6), l'improbable rencontre de hasard entre un garçon d'une dizaine d'années, qui a fugué pour retrouver son père installé à Bordeaux, et une certaine Catherine, qui retourne dans cette ville de son enfance après la mort de son seul amour. L'une à la recherche de son passé, l'autre de son futur, tous deux effrayés par les souvenirs ou les espoirs. Un récit à deux voix, qui, le temps d'une errance dans les rues de la ville, prend la forme d'une quête de soi-même.
La mort souvent au rendez-vous
Dans « À demain, Lou » (7), le quatrième roman de Marie-Claude Vincent, la narratrice, à la veille de ses 16 ans, revient sur la disparition de sa grande sœur, quatre ans auparavant. Pendant près d'un an, devant le mutisme de ses parents qui lui interdisaient de poser des questions, Lou a cru que sa sœur reviendrait, avant d'entendre qu'elle était morte. Maintenant, la question est pour elle de savoir comment se résoudre à devenir plus vieille que sa grande sœur chérie, à vivre des choses qu'elle ne vivra jamais. Un livre bouleversant sur l'approche de la réalité de la mort.
Auteure de cinq romans, dont « les Fleurs d'hiver », plusieurs fois récompensé en 2014, Angélique Villeneuve évoque, dans « Nuit de septembre » (8), non pas la nuit où son fils de 21 ans a mis fin à ses jours, ni les raisons d'un geste qu'elle accepte, mais le temps d'après le suicide, lorsqu'il s'est agi de dépasser sa propre souffrance, de trouver les ressources pour être présente auprès des vivants, de ses deux autres enfants, pour continuer à vivre au quotidien, dans le souvenir du disparu et sans lui. Et célébrer malgré tout la vie et dire la beauté du monde. Un texte lumineux.
Sept ans après l'incendie de l'immeuble qui a coûté la vie à sa fille âgée de 20 ans, le journaliste et écrivain Philippe Delaroche lui rend hommage dans « la Gloire d'Inès » (9), un livre poignant qui lui permet de « reprendre la conversation que sa mort n'a pas interrompue ». À côté des souvenirs et anecdotes d'un père et de sa fille, il va chercher du réconfort dans les mots d'autres « pères orphelins », poètes, écrivains, philosophes, musiciens, qui ont exprimé, au fil des siècles, l'extrême douleur de la perte d'un enfant et il laisse la parole à ceux qui l'ont côtoyé et aimé. Comme une renaissance.
(1) Picquier, 380 p., 23 €
(2) J.C.Lattès, 179 p., 18 €
(3) Calmann-Lévy, 236 p., 16 €
(4) Grasset, 151 p., 16 €
(5) Anne Carrière, 282 p., 18,50 €
(6) Flammarion, 233 p., 17 €
(7) Robert Laffont, 164 p., 16 €
(8) Grasset, 154 p., 14 €
(9) Stock, 317 p., 19,50 €
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