Auteur de 16 recueils de poésie et de 10 romans, Yves Mabin Chennevière inaugure, avec « Un vieux dans le soleil couchant » (1) une collection intitulée « Nos vies », dont le propos n'est pas de dire la réalité, mais la vérité. On y découvre la vérité d'un homme de 74 ans, certes handicapé depuis une dizaine d'années par un accident vasculaire cérébral – ce dont il avait témoigné dans « Portrait de l'écrivain en déchet » – mais dont l'expérience de vie prédomine, transcendée par l'écriture. L'auteur se remémore les plus grandes passions qui ont gouverné son existence en même temps qu'il affronte les réalités présentes et qu'il analyse des problèmes qu'il s'est toujours posés et n'a pas résolus, qu'il s'interroge sur ses relations avec les autres et bien entendu sur l'échéance à venir. Un bilan de vie tout de franchise et piqueté d'humour.
Comédienne de théâtre, de cinéma et de télévision, Agathe Natanson se souvient de son désarroi lorsqu'on lui a annoncé la naissance de sa petite-fille. Elle ne se sentait pas prête. « L'Art de ne pas être grand-mère » (2) est pourtant une déclaration d'amour inconditionnel à ses petits-enfants (deux maintenant) et une réflexion sur la place de la grand-mère dans notre société, écrites sous la forme de très courtes lettres adressées à ses proches et à d'autres plus lointains. Pour analyser ce que transmettre veut dire et pourquoi les petits-enfants empêchent de vieillir.
La grande romancière néerlandaise Anna Enquist (son précédent roman, « les Endormeurs », paraît simultanément en poche Babel), dont on connaît la formation de pianiste concertiste et l'exercice de psychothérapeute en milieu hospitalier, a conçu une intrigue digne d'un thriller pour condamner, dans « Quatuor » (3), les dérives politiques et sociales de son pays. Le temps est venu où les autorités ont cessé de subventionner toute activité culturelle et artistique, où les assurance-maladie ont été entièrement privatisées et où les personnes âgées sont placées de force dans des centres de soins avant de disparaître. Volontairement sourds aux drames qui les entourent et les affligent – leur ancien professeur est un vieillard qui vit dans la terreur d'être dépisté –, quatre amis se réfugient dans la musique. Avant d'être rattrapés par la violence de la réalité. Un livre des ténèbres plus que d'espoir.
De quoi sourire
Retour à la comédie avec Sophie Brocas (« le Cercle des femmes »), qui raconte dans « Camping-Car » (4) une grande virée dans la campagne française de trois amis de longue date – ils ont la soixantaine – qui vivent chacun, sans le dire, une situation intime difficile. L'un a été licencié, un autre a pris une maîtresse et le troisième est sur le point de s'engager dans une relation amoureuse. À travers leur odyssée aussi chaotique que jubilatoire, l'auteur veut montrer comment, à 60 ans, s'ouvre une nouvelle tranche de vie faite d'élans et d'énergies.
Les deux héroïnes d'« Old School » (5) approchent également de la soixantaine et vont tenter de renverser leur destin. Mais l'auteur écossais John Niven (« Enfant terrible ») n'y va pas par quatre chemins : après que l'une a découvert, lorsque son mari décède, que celui-ci menait une double vie de débauché et avait accumulé les dettes, elle vont se lier à un gangster octogénaire et recruter quelques amis de la même eau pour cambrioler une banque. Leur fuite les conduira à croiser un jeune auto-stoppeur, Interpol et la mafia russe. On trouve ici de la matière satirique à revendre !
« Les Temps perdus » (6) est un roman tout aussi déjanté de l'écrivain mexicain Juan Pablo Villalobos (« Dans le terrier du lapin blanc »). Il met en scène un artiste-peintre frustré qui a passé sa vie à vendre des tacos à Mexico. Désormais âgé, alcoolique et salace, il coule des jours peu paisibles dans un immeuble délabré avec une dizaine d'autres retraités et beaucoup plus de cafards. Il refuse d'intégrer le cercle de lecteurs du troisième âge qui se réunissent dans la cour et brandit aux importuns de tous ordres la fameuse théorie esthétique d'Adorno, qui dit notamment que « l'abandon sans réserves de la dignité peut devenir, dans l’œuvre d'art, l'instrument de sa force ». Au-delà des querelles de voisinage cocasses et des pulsions érotiques hors normes qui sont le sel de l'histoire, l'auteur évoque plus sérieusement trois quarts de siècle de l'histoire du Mexique, « avec révolution et contre-révolution, crimes d’état, corruption, assassinats, disparitions et marginalité ». Dont acte.
Entre comédie et tragédie, « Hospice & Love » (7) est le premier « grand » roman de Thiébault de Saint-Amand, précédemment auteur d'une série Pulp et de la série de polars « les Enquêtes de Phil Mazenot ». Il y met en scène un vieux de caractère, Armand, 85 ans, placé par sa famille dans un hospice à Nogent-le-Rotrou. Fort en gueule, râleur et machiavélique, l'ex-commissaire de police ne s'en laisse pas compter. Jusqu'à l'arrivée de la belle Elisabeth, mystérieuse et sulfureuse, qu'il fera tout pour séduire et garder. Un panel de personnages hauts en couleur, un trafic de médicaments au sein de l'établissement, des morts suspectes, une histoire d'amour à faire pleurer et un humour sans faille font de ce roman un divertissement revigorant.
(1) Gallimard, 184 p., 18,50 €.
(2) Calmann-Lévy, 119 p., 15 €.
(3) Actes Sud, 301 p., 21,90 €.
(4) Julliard, 228 p., 19 €.
(5) Sonatine, 352 p., 19 €.
(6) Actes Sud, 293 p., 21 €.
(7) Hugo & Cie, 236 p., 17 €.
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