Au début, il y a forcément la Genèse. « Dieu pleure quand la religion transforme les hommes en assassins. » Il pleure donc depuis que, triomphant du polythéisme, s'est installé un triple monothéisme sous la forme du Judaïsme, du Christianisme et de l'Islam. Trois spiritualismes, ombrageux, souvent intolérants, chacun étant agressif envers les deux autres.
Il y a dit-on un « retour du religieux ». Mais il se fait avec la persécution des Chrétiens en Orient, le terrorisme islamique que nous vivons aujourd'hui en Occident, tandis que quelques décennies à peine après la Shoah permane le vieil antisémitisme, les Juifs continuant d'être les éternels boucs émissaires, comme le montre un excellent chapitre sur le sujet.
Jonathan Sacks examine au début de son travail la persistance d'un lien entre religion et violence. Disons-le tout net, sa réponse chiffrée, moins de 10 % de conflits impliquant la religion, est peu convaincante, précisément parce que le fait religieux se présente comme porteur de paix et de charité et qu'il échoue dans la réalisation de cette exigence. Cet échec constitue un véritable scandale.
La haine du presque semblable
Il suffit de lire certains textes sacrés appartenant aux trois monothéismes pour constater que la religion emprunte à ce que l'homme a de meilleur. Mais elle enseigne aussi la haine et la guerre. Son zèle prosélyte, la nécessité de convertir « les autres » n'impliquent-ils pas justement d'agir sur le psychisme de la terre entière ?
En élargissant le débat, on constate que la haine se porte vers ceux qui diffèrent totalement de nous, ne serait-ce que par une différence de peau, mais aussi le presque semblable. Les dogmes se changent très vite en schismes, la fêlure apparaît à l'intérieur et ce sont les guerres de religion. Héritier du judaïsme, le christianisme a laissé se répandre au cours des siècles l'image du « juif perfide » et ne s'est guère ému lorsque les Nazis pourchassaient leurs victimes sous les fenêtres du Vatican.
Même si on n'a guère envie d'entrer dans une polémique, on sera frappé par la richesse foisonnante des domaines traversés par cet ouvrage. Nous voici immergés dans les textes sacrés, l'ethnologie et Darwin, et plus l'ouvrage progresse plus il se fait chatoyant, séduisant, nous invitant à ne pas prendre au pied de la lettre de telles histoires.
La survivance du plus fort
Quittant Sodome en ruines, la femme de Loth fut statufiée, image d'un passé qui ne peut que faire pleurer et nous rendre à jamais prisonnier de nos larmes. Ce qui permet à l'habile Jonathan Sacks de démontrer que la Bible hébraïque contient une infinité d'interprétations possibles. Le lecteur est invité à se faire herméneute et à ne pas s'en tenir au contenu manifeste des rêves et légendes. Le déchaînement de haines et de massacres dans le cas des grands totalitarismes du siècle précédent est pure horreur, mais dans la Bible, la violence devient magiquement sacrée et symbolique. Avouons-le, ce qu'on perd en démonstration, on le gagne en poésie.
En se rapprochant de la fin, on retrouve le début, c'est-à-dire l'aube de l'humanité. Des groupes s'affrontent « La violence et le terrorisme ne peuvent naître qu'entre groupes différents », dit l'auteur, mais à l'intérieur, chaque groupe est bien soudé par la conscience d'une forte identité. Le début, c'est Darwin et la survivance du groupe le plus fort, que vient faire la religion dans tout cela ? Encore et toujours la même chose, nous raconter de belles histoires pleines de sens…
Jonathan Sacks, « Dieu n'a jamais voulu ça - La violence religieuse décryptée », Albin Michel, 370 p., 20 €
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