Un message bien envoyé
En 1996, l’enlèvement et le meurtre de 7 moines français installés à Tibehirine, dans l’Atlas, a été l’un des points culminants des violences qu’a connues l’Algérie dans l’affrontement du pouvoir et des islamistes extrémistes. Sans s’attarder sur la précision des détails historiques, Xavier Beauvois s’attache dans « Des hommes et des dieux » à restituer la vie de ces moines trappistes, entre devoirs spirituels et aide à la population - le médecin incarné par Michael Lonsdale fait jusqu’à 150 consultations par jour. Il rend compte de leurs questionnements : chacun, quand il s’agit de savoir s’il faut partir ou rester, sachant que sa vie est en jeu, remet en question les raisons de son engagement.
C’est le scénariste Etienne Comar qui a apporté le sujet au cinéaste de « N’oublie pas que tu vas mourir » et du « Petit Lieutenant ». Beauvois et ses acteurs, croyants ou non, se sont préparés avec conscience, avec quelques jours de retraite dans un monastère et l’apprentissage des chants liturgiques. Une vraie fraternité s’est installée entre eux et cela se voit dans le film.
Bien que les scènes d’action soient peu nombreuses et que l’on aille au rythme de la vie monastique - « lls sont dans l’être, dit Beauvois, nous,nous sommes dans le faire » -, bien que l’on connaisse la tragique fin de l’histoire, à défaut de ses circonstances, il y a un authentique suspense dans l’évolution de chacun de ces hommes, de leur attitude face au danger. Et si le message des moines est clair, et peut être reçu indépendamment de toute religion, il ne plombe pas le film, qui comporte quelques très beaux moments de mise en scène.
Il faudrait en citer tous les comédiens, mais on retiendra surtout Lambert Wilson, décidément à l’honneur après « la Princesse de Montpensier » et Michael Lonsdale, qui apporte une touche d’humour bienvenue. À voir à partir du 8 septembre.
Binoche, impossible à copier
Pour le réalisateur iranien Abbas Kiarostami, le cinéma est toujours une expérience. Avec « Copie conforme », elle confine à l’exercice de style, très intelligent mais qui finit par irriter un peu. Pour son premier film hors de son pays, le cinéaste du « Goût de la cerise », palme d’or en 1997, a choisi la Toscane.
Une galeriste française qui vit en Italie donne rendez-vous à un écrivain anglais venu présenter son livre sur la copie dans l’art. Ils partent pour une balade d’une journée. Brève rencontre ou règlement de compte d’un couple de 15 ans ? Chacun peut tirer ses propres conclusions ou choisir de rester dans le doute.
Outre la beauté toscane, tout est dans les dialogues, en trois langues, s’il vous plaît, anglais, français, italien, et le jeu des comédiens. Le baryton anglais William Shimell ne démérite pas, pour ses débuts dans le cinéma. Mais c’est Juliette Binoche qui tient le film, en jouant toutes les femmes et tous les sentiments en une heure et demie. Elle est la séductrice et l’épouse bafouée, la mère débordée et la midinette qui revit ses premiers moments de bonheur ; elle passe en une seconde des larmes à l’espoir, du sourire à l’agressivité. Elle donne à son personnage une existence multiple que toute autre aurait peiné à créer. Allez-y voir, le film est actuellement sur les écrans.
Le pouvoir de la poésie
« Que signifie "écrire un poème" en ces temps où la poésie est en déclin ? » C’est la question que pose, avec « Poetry » le Coréen Lee Chandong, dont on avait admiré en 2007 « Secret Sunshine ». Qu’on se rassure, si l’on entend quelques bouts de poèmes, le film raconte une histoire, la triste et belle histoire d’une femme de 66 ans qui accumule les malheurs mais va les transcender.
Mia vit seule avec son petit-fils, qui ne tient aucun compte d’elle. Elle va consulter pour une douleur à l’épaule et repart avec le constat de troubles de mémoire. Son apparence soignée ne dit pas qu’elle est aide-ménagère, notamment auprès d’un vieil homme hémiplégique. Sa vie n’est pas rose mais elle est éprise de beauté et s’inscrit à un cours de poésie.
Si ce résumé ne donne pas forcément envie de découvrir le film, c’est que tout l’art de Lee Chandong est dans la mise en scène, notamment de petits gestes qui sont plus parlants que de longs dialogues. Et dans le choix et la direction de Yun Junghee, actrice de légende du cinéma coréen des années 1960 et 1970, qui a joué dans 330 films. Si elle repartait avec le prix d’interprétation (elle en a déjà 24, nous dit-on), ce ne serait que justice mais ce serait aussi le personnage qui serait récompensé.
Impasses humaines en Russie
Il y a un seul premier film en compétition. Il s’appelle « My Joy » par antiphrase car il raconte les malheurs d’un jeune camionneur perdu dans la campagne russe (figurée dans le Nord de l’Ukraine), où la survie est celle du plus fort ou du mieux armé. « Je voulais faire un film d’amour, résume ironiquement Sergeï Loznitsa, mais comme cela arrive fréquemment avec les Russes, quel que soit votre projet, vous finissez avec une Kalachnikov. »
Le cinéaste ukrainien, qui vit actuellement en Allemagne, c’est plus facile pour les allées et venues d’un pays à l’autre, ne s’embarrasse pas de nuances pour décrire un univers où les valeurs humaines ne semblent plus avoir de prix. Chaque rencontre tourne au cauchemar, avec des ellipses qui font imaginer encore pire. Nul ne semble avoir de scrupules ni de remords.
C’est une vision forte mais quelque peu désespérante et l’accumulation de violences et de sang laisse le spectateur désarmé, c’est le cas de le dire.
Le labyrinthe de l’inhumanité de Loznitsa remonte jusqu’à la guerre, via des flash-backs. On imagine qu’on est loin du point de vue du cinéaste russe officiel Nikita Mikhalkov, dont on doit découvrir demain la dernière production, « l’Exode -Soleil trompeur 2 ».
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