Le Nevada irradié
Publié en 1991, « Refuge » (1) est un livre militant, à l’image de son auteur, Terry Tempest Williams. Au printemps 1983, alors que la montée des eaux du Grand Lac Salé, en Utah, menace le Refuge des oiseaux migrateurs, Terry apprend que sa mère est atteinte d’un cancer, comme huit membres de sa famille avant elle. Elle se plonge alors dans une enquête sur les conséquences des essais nucléaires menés dans le Nevada au cours des années 1950. À la fois étude naturaliste et chronique familiale, le roman est un appel au renouveau.
L’Oregon dénaturé
Révélé par son recueil de nouvelles, « Sous la bannière étoilée », Benjamin Percy situe son premier roman, « le Canyon » (2), dans son Oregon natal. Paul, son fils Justin et Graham, le fils de Justin, passent un dernier week-end à Echo Canyon avant que ce coin sauvage ne soit emporté par un projet immobilier haut de gamme et donc rentable. La relation que Paul entretient avec Justin reste à l’image de l’obligation qu’il lui a faite, à 12 ans, d’abattre un jeune ours, alors que Justin veut exercer sa paternité à l’inverse. La situation est explosive, comme les déflagrations des travaux. Et comme cela se passe dans le même temps à la maison où Karen, la femme de Justin, attend les chasseurs.
Du Sud au grand Nord
Consacré par le prix Médicis 2009 pour « l’Énigme du retour », qui relatait son retour à Port-au-Prince, où il est né en 1953, Dany Laferrière offre, avec « Chronique de la dérive douce » (3), le récit de son départ du pays à l’âge de 23 ans et des émotions qui l’ont étreint en arrivant au Québec. Loin d’être le journal d’un immigrant, ce roman écrit sous forme de prose poétique, décrit les pérégrinations d’un jeune homme plein d’espérance, qui fait semblant d’être ironique, mais qui au fond est perdu. La sincérité à fleur de plume.
Un double exil
Avec l’écrivain allemand Hans Joachim Schädlich et « le Voyage de Kokochkin » (4), nous voguons à bord du « Queen Mary 2 », en 2005, en compagnie de Fiodor Kokochkin, qui revient à New York après un voyage en Europe sur les lieux de son enfance. Parce que juif, né en Russie où son père a été assassiné par les Bolcheviques, puis exilé avec sa mère à Berlin avec Nina Berberova et Maxime Gorki, avant que l’arrivée des nazis ne l’oblige à fuir à Prague, puis aux États-Unis, ce voyage n’est pas seulement d’agrément. Aux aimables instantanés du présent sur le paquebot, répondent des retours sur le passé et une double fuite devant les deux régimes totalitaires les plus sanglants du siècle dernier.
Piège en Laponie
Franck Pavloff, qui se définit comme un « écrivain de l’ailleurs », rend compte dans ses romans (« le Pont de Ran Mositar », « le Grand Exil », « Matin brun ») des exils intérieurs ou géographiques engendrés par les hommes. Dans « L’homme à la carrure d’ours » (5), il imagine que des ouvriers sont consignés dans une zone détruite par l’explosion dans une mine en Laponie. Les hommes, formés en communautés hostiles, ruminent leurs rancœurs alcoolisées. Seuls un homme et une femme qui sont nés sur cette terre savent regarder la grandeur de la nature arctique. Un hymne à la beauté intérieure, seule arme contre la cupidité et l’autodestruction.
Dérive dans l’Hexagone
L’auteur de « J’ai tué Anémie Lothomb » et de « Mortel Transfert », l’un de ses thrillers psychologiques adaptés au cinéma, Jean-Pierre Gattégno, alterne également suspense et humour dans « le Seigneur de la route » (6), dont le héros porte le nom de Pierre Raustampon. Du moins jusqu’à ce que, lassé par son métier de professeur et par sa vie conjugale, il dérobe l’identité, les cartes de crédit et la magnifique voiture de l’un des amants de sa femme. Commence une sorte de dérive, dans laquelle il enchaîne épisodes comiques et situations angoissantes. Un périple géographique se doublant d’un voyage intérieur qui le pousse à s’interroger sur lui-même. Jusqu’à la révélation finale au bout du chemin.
Un poète en capitale
Le piéton de Paris parfois vient d’ailleurs. Petr Kral, qui est né à Prague en 1941 et est retourné aujourd’hui dans son pays natal, en témoigne dans « Cahiers de Paris » (7). Il y est venu en 1968, lorsque sa ville venait d’être occupée par une armée étrangère, il y a vécu jusqu’en 2006 et, jour après jour, il a pris des notes sur le quotidien et les lieux les plus simples de la capitale. De simples notes qui restent celles d’un poète et où transperce la nostalgie d’une ville disparaissant progressivement, « comme de la neige qui fond au soleil ».
Itinéraire d’une femme libre
C’est aussi pour Paris que l’héroïne de « Chaos sur la toile » (8), une artiste qui ne vit que pour son art, décide de quitter Reykjavik. Elle emmène cependant, calée sur sa hanche, sa petite-fille. On est dans les années 1950 et l’on suit l’itinéraire d’une femme qui se veut libre mais est enchaînée à son art, qui sillonne les musées pour se nourrir des œuvres des plus grands peintres, expose et vend des toiles de Paris à New York, de Rome jusqu’aux fjords. L’un des messages de l’auteur, l’Islandaise Kristin Marja Baldusdottir, est une mise en garde contre la menace de régression des droits des femmes.
(1) Gallmeister, 344 p., 24 euros.
(2) Albin Michel, 347 p., 22,90 euros.
(3) Grasset, 220 p., 16 euros.
(4) Jacqueline Chambon, 186 p., 19 euros.
(5) Albin Michel, 203 p., 15 euros.
(6) Calmann-Lévy, 240 p., 17,50 euros.
(7) Flammarion, 281 p., 20 euros.
(8) Éditions Gaïa, 627 p., 24 euros.
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