L'auteur note très vite que l'acte d'avouer croise dans l'histoire humaine des situations extrêmement diverses. Aveu(x) dans l'ombre complice du confessionnal, autocritique imposée par l'État totalitaire, judiciarisme généralisé, où, comme chez Kafka, le seul fait d'être mis en cause assure qu'il y a une faute à expier. Ainsi l'acte d'avouer rencontre-t-il « un discours commun au moraliste, au politique, au juriste et au religieux ».
S'insérant dans une démarche hautement phénoménologique, l'auteur propose de réduire cette multiplicité à l'unité, on aurait dit autrefois la recherche d'une essence, tapie sous diverses existences. Ainsi peut-on être conduit à définir l'aveu comme « l'acte d'une conscience qui se constitue coupable et se montre ainsi capable de repentir ». Mais quid d'aveux extorqués, de tartufferies opportunistes ou des aveux d'un aliéné ?L'aveu, dit Jérôme Porée, est aujourd'hui l'objet d'un soupçon dû à l'effondrement du langage du péché, nettement supplanté par celui de la plainte.
L'auteur analyse ce que contient l'acte d'avouer, et en tire des conséquences. Il y voit en particulier une sorte de redoublement douloureux. On avoue une faute et en même temps on se désigne formellement comme en étant l'auteur.
« Ecce homo », voilà quel homme je suis encore. L'aveu est relié à toutes les conduites par lesquelles on affirme l'unité de ce que nous sommes. Ce qui ne va pas sans une certaine cruauté. Une fois qu'on a avoué, on s'est exposé à nu à autrui, il ne reste plus rien à montrer ou à dire. Cela ne va pas sans fanfaronnade, tel Rousseau au début des « Confessions », mettant au défi quiconque de dire « Je fus meilleur que cet homme-là ».
Mais cette même conduite peut aussi signifier que je me désolidarise de mon passé. J'avoue, je me suis mal conduit, mais je ne suis plus celui que j'étais, je peux agir autrement. Des conduites bien analysées par Jean-Paul Sartre dans ses textes sur la mauvaise foi. « Aux yeux du juge comme à ceux de la victime, l'homme qui avoue n'est pas l'homme qu'il était auparavant. »
Ainsi le livre se révèle-t-il comme embrayé sur la problématique identitaire, par où on rejoint les célèbres analyses de Paul Ricoeur dans « Temps et Récit ». Ce philosophe devenu célèbre pour des raisons quelque peu extra-philosophiques, distingue deux types d'identité. Celle qui relève de l'Idem ou « mêmeté » et l'autre au sens de l'Ipse, qui se manifeste concrètement par le maintien de soi, devant autrui, qui consiste en une narration toujours renouvelée. Nous finissons par nous confondre avec ce que nous racontons de nous-même.
Jérôme Porée, « Phénoménologie de l'aveu », Hermann Éditeurs, 88 p., 18 €
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