La pièce de Florian Zeller rééditée

« Le Père », version première

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Publié le 07/05/2021
Avant d’être « The Father », film oscarisé qui devrait sortir en France le 26 mai, la pièce a connu un grand succès et a été rééditée récemment.

« Je me suis toujours méfié des intentions trop précises », écrit Florian Zeller dans l’édition de sa trilogie « le Père », « la Mère », « le Fils » en Folio (Folio Théâtre, 304 p., 8,60 €). Passant en revue la genèse de ces trois pièces, qui ont connu un éclatant succès dès leur création, ont été traduites dans de nombreuses langues et été jouées un peu partout dans le monde, l’écrivain souligne que pour « le Père », il a « pensé à Robert Hirsch ». « Il a été dit que cette pièce traite de la démence sénile, précise-t-i l ; c’est sans doute vrai, mais ce n’était pas mon intention initiale. (...) Mon désir premier était d’écrire pour cet acteur que je considérais comme l’un des plus grands ; et c’est en suivant sa voix, son corps, son âge, sa façon si particulière d’être au monde, que je me suis retrouvé, par associations d’images, d’idées et de mots, dans le labyrinthe de cette pièce, et non l’inverse. »

Taillé sur mesures pour le Sociétaire honoraire de la Comédie-Française, qui s’est éteint en novembre 2017, à 92 ans, après avoir incarné un autre personnage composé pour lui par Florian Zeller (« Avant de s’envoler »),« le Père » semble pourtant écrit pour Anthony Hopkins, qui, au cinéma, incarne d’une manière aussi subtile qu’hallucinante cet homme qui n’a plus complètement prise sur le réel.

L’un des secrets de l’écriture de Florian Zeller est sans doute dans cette reconnaissance profonde de tout interprète dans les personnages qu’il imagine. L’auteur, qui n’oublie pas qu’il a débuté par le roman, excelle à donner une épaisseur humaine, une densité aux êtres, sans excès d’explication. C’est même par l’ellipse, le non-dit, l’informulé, que le théâtre de Florian Zeller fascine. Dans « le Père », on est pris dans la vision qu’a André de la réalité. À ses côtés, il y a bien Anne, sa fille, mais les autres ? Ceux qui sont désignés comme « l’homme », « la femme », parce qu’André ne sait pas trop qui ils sont… Un tel processus exige une adhésion totale du spectateur, comme ce fut le cas en septembre 2012 à Hébertot, pour la mise en scène de Ladislas Chollat. C’est le cas au cinéma. Christopher Hampton et Florian Zeller ont élaboré un scénario très subtil récompensé par un Oscar, tandis qu’Anthony Hopkins se voyait décerner celui de meilleur comédien.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin