IL NOUS RACONTE dans un préambule qu’au lieu de s’intéresser à la compréhension des philosophes, il s’est mis très jeune à les saisir dans une folle fantasmagorie qui l’a conduit à ce grave point de départ : « Je pense mais je n’arrive pas à suivre. » Et à ce petit ouvrage impertinent.
Impossible de s’accrocher, dit-il, mais à ce stade, il faut bien voir qu’il ne s’agit plus de le prendre trop au sérieux, on est déjà « embarqués » dans un deuxième degré. Ainsi, au lieu de scruter les thèses, il avait très jeune « la tête ailleurs, dans un monde imaginaire où les philosophes devenaient des héros de BD, des personnages burlesques et des clowns solaires ». Une trentaine de grands méditants déroulent alors leur existence hautement fantaisiste, mais toujours à partir d’une toile de fond authentique.
C’est ainsi qu’Héraclite, ayant trop nettoyé sa cuisine, sachant que les Dieux y viennent souvent, ne laissa de sa réflexion que des fragments et se consacra au jeu de trictrac. Un peu plus tard, dans la caverne de sa solitude, « Platon se faisait son cinéma. Sans s’en rendre compte, il était en train de s’enchaîner à son Socrate imaginaire et il se mit à vivre en compagnie des Idées, celles que Socrate parvenait à faire accoucher péniblement aux esprits qu’il torturait. » On le voit, le sourire est assez dépendant d’un minimum de savoir… Si vous avez oublié la critique de la causalité par Hume, vous ne goûterez pas le Kant d’Yves Cusset.
Bien sûr, on a tous des images concernant Pascal et on s’amuse beaucoup au portrait du petit Blaise qui se retrouve seul dans sa chambre à ne rien faire, « ce qui devint très vite son occupation préférée ». Car « si l’homme est un animal qui se divertit, Blaise est devenu un roseau pensant ».
Il est plaisant d’imaginer Nietzsche (mystérieusement malade d’un vague nerf) allant rendre visite à l’auteur de « Parsifal », qui « était en train d’envahir tranquillement la Pologne de quelques chevaliers teutons qui égorgeaient fils et compagnes pour abreuver leur sillon d’un sang impur ».
Obsessions.
Et de façon générale, on fera plus que sourire chaque fois que les philosophes sont saisis dans le prisme de leur obsession. Leibniz, passant son enfance à observer la différence entre les gouttes d’eau et à écouter le bruit des vagues. Bergson, petit écolier qui arrive en retard à l’école, car le futur théoricien de la durée ne parvient pas à voir ce que devient le temps qui passe. Jean-Paul Sartre, qui conclut que sa résistance à être un héros ne doit pas l’empêcher d’être un héros de la résistance.
Chaque texte coiffant un grand penseur est très travaillé. Et parfois deux lignes condensent habilement trois thèmes d’une pensée. Il en résulte un effet de bourrage, une raideur qui fait de l’auteur l’homme qui en savait trop, ceci au détriment de la fraîcheur de l’humour. Souhaitant faire défiler les fantômes cocasses de la classe de terminale, Yves Cusset produit d’amusantes marionnettes dont on aurait aimé moins voir les fils.
Yves Cusset, « la Vie rêvée des philosophes », FB François Bourin Éditeur, 185 p., 15 euros.
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