* En Toscane
Dans le fil d’une douzaine de romans depuis « En l’absence des hommes » (« l’Arrière-saison », « Un garçon d’Italie », « la Trahison de Thomas Spencer », « Son frère »), Philippe Besson offre, avec « De là, on voit la mer » (1), un récit qui le touche directement. Le personnage principal est une femme, mais une romancière. Louise a 40 ans, elle est un auteur connu qui vit égoïstement sa passion. « Si je dois choisir entre l’écriture et toi, alors je choisis l’écriture », a-t-elle asséné à François il y a dix ans, au début de leur mariage. Elle s’est isolée cette fois en Toscane, dans un décor qui l’enchante, occupée à écrire l’histoire d’une femme qui doit réapprendre à vivre après la disparition de son mari. Elle n’a jamais connu un tel sentiment de plénitude et les mots lui viennent tout naturellement.
Lorsque Luca, qui a l’âge d’être son fils, apparaît, Louise cède à la sensualité. Mais bientôt elle apprend que son mari a été victime d’un grave accident de voiture. Alors que le récit pourrait évoluer à partir du dilemme attendu – Louise va-t-elle retourner à Paris au chevet de son mari, ou bien continuer l’été toscan avec son amant ? –, Philippe Besson nous mène vers une autre problématique et situe le véritable choix de la romancière au-delà.
* À la porte d’Ivry
Avec Dominique Fabre, on s’installe à la porte d’Ivry, une entrée de Paris. Ce professeur d’anglais, dont le passé – une enfance sans père, de famille d’accueil en internat, des petits boulots et la banlieue – a largement inspiré la douzaine de romans qu’il a publiés depuis « Un jour moi aussi, j’irai loin », a fait un livre des chroniques écrites pendant cinq ans pour le magazine littéraire « Le Matricule des anges », sur la vie quotidienne sous Sarkozy.
« Des nuages et des tours » (2) nous plonge dans ce quartier populaire banal et qui regroupe souvent, pour un temps, des gens de partout repoussés vers la périphérie ; un quartier, qui, par la grâce de l’empathie et de l’écriture, se transforme en un village urbain avec des hommes et des femmes de chair qui sont de véritables personnages de romans, surprenants ou émouvants.
* L’exil de Prague
L’élection de Nicolas Sarkozy, prétexte à un changement de domicile et même de pays, est également le point de départ de « Vérité et amour » (3), le nouveau livre de Claire Legendre après « L’Écorchée vive ». Âgée de 34 ans, l’auteure est professeure de création littéraire à l’université de Montréal depuis son retour de Prague, où elle a vécu de 2008 à 2011.
Dans le roman, Francesca abandonne son poste d’enseignante pour suivre son mari, diplomate nommé à Prague. Son statut de « femme d’expat » la conduit à remettre totalement sa vie en cause, qu’il s’agisse de sa vie quotidienne de femme oisive et dépendante, de ses convictions politiques – elle a adhéré, un temps, à la Jeunesse communiste –, ou de son couple, dans lequel elle devient une étrangère, comme elle est étrangère aux Tchèques. Un désamour et une solitude qui sont finalement vécus comme une force.
* Nostalgie à l’usine
Richard Gangloff avait 17 ans en Mai 68. Issu de la banlieue parisienne modeste, il a travaillé quelque temps, entre autres petits boulots pour payer ses études, dans un centre d’occasion Simca à Nanterre. Cette expérience a participé à l’écriture d’un premier roman, « Jours heureux à Flins » (4), qui est une sorte de récréation.
Autour d’une intrigue-prétexte, le hold-up de la paye par des gens de l’intérieur, et loin de toute lamentation sur la classe ouvrière, l’exploitation ou les cadences infernales, l’auteur donne une vision étonnante de l’usine modèle de Renault, les ouvriers étant ici de joyeux lurons qui se moquent des règlements et de la hiérarchie, des gars simples qui se débrouillent pour s’en sortir et jouent avec le système. Haut les cœurs vers le bonheur !
* En Thaïlande, l’envers du décor
Dans « la Nuit pacifique » (5), Bangkok est la ville où Hadrien a refait sa vie après avoir coupé les ponts avec la France et sa famille, marqué à jamais par le suicide de sa sœur lorsqu’elle avait 16 ans et lui 14. Il est devenu un expert de la retouche photo, produisant à la demande l’image d’un monde idyllique ou effaçant, pour plaire à la police, des preuves gênantes. Aussi, lorsque le hasard le met en présence du médecin qui est, selon lui, responsable de la mort de sa sœur vingt ans auparavant, on se demande dans quelle mesure ses désirs de vengeance sont sincères ou justifiés, s’il n’efface pas de souvenirs gênants ou s’il travestit la réalité.
Loin de l’image d’Épinal, la Thaïlande de Pierre Stasse – un jeune auteur de 27 ans remarqué avec « Hôtel Argentina » – et la ville de Bangkok sont à l’unisson des tourments du héros avec les pluies torrentielles de la mousson et leur lot de dégâts matériels, de maladies et de morts, les attentats terroristes et les représailles de l’armée.
* D’un domicile à l’autre
Pour son septième opus, « le Vase où meurt cette verveine » (6), Frédérique Martin a choisi un genre suranné, le roman épistolaire, avec des héros qui sont de paisibles septuagénaires séparés pour la première fois après 56 années de vie commune. Mais ne vous attendez pas seulement de suaves sentiments ! Pour se faire soigner, Zika est hébergée dans l’appartement parisien de leur fille tandis que Joseph est accueilli à Montfort chez leur fils, marié avec deux enfants. Ces situations dérangeantes pour tout le monde sont l’occasion pour l’auteure d’aborder, à travers les lettres que s’envoient Zika et Joseph, maints aspects des relations intergénérations et des contraintes imposées par la vieillesse. Mais l’intérêt du roman est dans l’intrigue et le malaise qu’elle installe au fil des pages, jusqu’à ce que tout dérape.
(1) Julliard, 204 p., 19 euros.
(2) L’Olivier, 148 p., 16 euros.
(3) Grasset, 299 p., 18,80 euros.
(4) Albin Michel, 228 p., 17 euros.
(5) Flammarion, 251 p., 18 euros.
(6) Belfond, 221 p., 18 euros.
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