* Amir Gutfreund, considéré comme l’un des écrivains israéliens les plus importants de sa génération, avec notamment « les Gens indispensables ne meurent jamais », ouvrage majeur de la littérature de la Shoah, est mort à l’âge de 52 ans en 2015. Dans « Sous le signe du corbeau » (1), paru deux ans avant sa disparition, il n’est pas question ouvertement de la Shoah mais d’un homme qui rame à contre-courant d’une société délétère. Cet homme, l’auteur n’a même pas pris la peine de le nommer tant il semble au bout de lui-même, après le décès de son père, le départ de la femme qu’il aime et son licenciement de l’entreprise high-tech qu’il avait fondée. Il se met en marche en apprenant à la radio la disparition d’une jeune fille près de chez lui, à Haïfa. Il veut participer aux recherches, puis il s'obstine en menant sa propre enquête, dans une errance drolatique où il vise à retrouver la disparue mais surtout à se retrouver et à se sauver lui-même. La renaissance tragicomique d’un homme qui a tout perdu.
* Mathieu Menegaux (« Je me suis tue », « Un fils parfait », « Est-ce ainsi que les hommes jugent ? ») a l’habitude de traiter de sujets de société sous le couvert de romans noirs. « Disparaître » (2) n’est cependant pas vraiment un polar, même si les deux premières scènes, la défenestration d’une jeune femme à Paris et la découverte d’un noyé impossible à identifier sur une plage niçoise, créent le suspense. Le lien qui unit les deux affaires ou les deux personnes n’est dévoilé qu’à la fin d’une histoire qui nous introduit dans le monde de la finance, un monde de requins, et un exemple parmi d’autres du dérèglement de nos priorités, quand les valeurs de l’entreprise se heurtent aux valeurs humaines.
* Comédienne et écrivaine (« la Faute à Saddam »), Samira Sediranous plonge aussi dans le noir le plus profond en revisitant l’assassinat d’une famille entière (d'après l’affaire Flactif, au Grand-Bornand, en Haute-Savoie, en 2003). « Des gens comme eux » (3) est un court récit dans lequel l’épouse du meurtrier passe au crible chaque seconde des mois qui se sont écoulés depuis que leurs nouveaux voisins, les victimes, un couple et leurs trois enfants, ont fait construire un magnifique chalet en face de leur modeste maison, pour tenter de comprendre la mécanique infernale qui a conduit son mari à une telle folie meurtrière. Jalousie, lutte des classes, apparition de l’étranger comme une menace, racisme latent car le nouveau venu était noir ? L’auteure explore l’enfermement d’une petite communauté villageoise vivant en huis clos et se demande s’il aurait été possible d’éviter le drame, si cette femme qui porte désormais l'opprobre de n'avoir rien vu venir, aurait pu deviner.
Des femms meurtries
* « Marche blanche » (4), le douzième roman de Claire Castillon, est glaçant. Il a pour thème l’enlèvement d’une petite fille de 4 ans aux Rousses, dans le Haut-Jura, et, dix ans plus tard, l’espoir insensé de sa mère qui croit reconnaître son enfant dans la fille de 14 ans des nouveaux voisins. La narratrice est cette mère meurtrie, pour laquelle on n’éprouve que compassion et empathie. Avant qu’on ne devine les failles de sa logique et de son comportement, tant envers la famille d’en face qu'envers son mari et, auparavant, envers sa fille. Un roman psychologique dont le style efficace nous fait partager le délire d’une femme aux abois.
* Comment « Un matin ordinaire » (5) se transforme en cauchemar et bouleverse l’existence d’une femme, de sa famille et de son entourage ? C’est ce que décrit Marjorie Texier dans un premier roman qui aborde un fait divers « ordinaire » : le viol d’une femme, mère de deux enfants, alors qu’elle était partie courir dans la forêt comme chaque vendredi à la même heure. Infirmière, elle s’était arrêtée pour aider un homme soi-disant en danger, il l’a agressée. Sans s'appesantir sur le drame, l’auteure a construit un roman choral plein d’humanité qui donne à voir les failles, les blessures et les espoirs de chaque personnage. Un texte qui illustre la résilience d’une femme et son combat pour recouvrer son intégrité physique et psychologique.
* « Le Roman de Molly N. » (6) est pour partie une histoire vraie et aussi une fiction. C’est en 2015, après l’attentat terroriste contre « Charlie Hebdo », que Sophie Carquain a découvert, grâce à un reportage sur CNN, une précédente affaire des caricatures qui a alors changé le cours de la vie de Molly Norris. En 2010 la jeune femme, cartooniste à Seattle, avait lancé l’idée d’un concours incitant tous les internautes à dessiner le prophète Mahomet, comme un pied de nez pour défendre la liberté d’expression. Menacée de mort par une fatwa, elle a dû intégrer le programme de protection des témoins du FBI, changer de nom et de lieu de vie, effacer son passé. Écrite après enquête, la première partie de l’ouvrage se fonde sur les faits réels jusqu’à la « disparition » de Molly. Puis, comme toutes les informations qui la concernent ont été nettoyées sur Internet par le FBI, commence la fiction, l’auteure imaginant où et comment elle vit.
(1) Gallimard, 302p., 22 €
(2) Grasset, 209 p., 18 €
(3) Rouergue, 140 p., 16,50 €
(4) Gallimard, 167 p., 16 €
(5) Fleuve, 267 p., 17,90 €
(6) Charleston, 405 p., 19 €.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série