LIVRES - Mathématiques, géographie, littérature…

L’école aux quatre vents des romans

Publié le 02/10/2012
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* Contre les chiffres

Dans son quatrième roman, « le Jour où les chiffres ont disparu » (Albin Michel, 230 p., 18 euros), Olivier Dutaillis – également homme de théâtre –, présente le cas d’une jeune musicienne internée pour cause de « mathématophathie aiguë ». Elle a craqué alors qu’elle s’apprêtait à jouer son solo de flûte dans la « Neuvième » de Mahler et a séquestré une ancienne professeure de maths, celle qui, en classe de Seconde, avait cru bon d’annoter un de ses devoirs avec un « Justifie à elle seule l’invention du zéro ». Un psychiatre quelque peu déboussolé lui aussi, va tenter de la comprendre et de l’aider. C’était sans compter sur le projet fou d’Anna, qui se met en tête de combattre les chiffres eux-mêmes, qu’elle rend coupables de façonner un monde déshumanisé. Un roman profondément humaniste et qui, en toute légèreté, questionne l’homme et la société, la folie et l’internement.

* Le village des idiots

Prix du premier roman 2006 pour « Corpus Christine », Max Monnehay revient avec une « Géographie de la bêtise » (Seuil, 226 p., 17 euros) au thème alléchant : la constitution, par un idiot du village comme il en existe dans tous les coins de France, d’un « village des idiots », où les mal aimés et mal considérés de la société peuvent enfin s’épanouir dans leur étrangeté. La communauté est une telle réussite que chacun ruse pour y entrer. Ainsi de Bastien, qui trafiquera le test de QI inversé pour entrer dans ce petit paradis et rester près de la femme qu’il aime. Bastien, que l’on rencontre au début du roman sur son lit de grand brûlé et que l’on suit dans sa douleur au fil de 16 chapitres intitulés « La médecine pour les nuls ». À noter le style particulier de cette fable, que la jeune auteure qualifie de « poésie brutale ».

* L’histoire d’un livricide

Auteur d’une bonne quarantaine d’ouvrages – poésies, essais, romans, anthologies… –, Patrice Delbourg règle ses comptes littéraires, dans « les Chagrins de l’Arsenal » (Le Cherche Midi, 321 p., 18,50 euros), par l’intermédiaire de son personnage, qui travaille à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris. Ce triste sire malingre, qui cumule scoliose,arthrose et fibrose pulmonaire, est un tueur redoutable, qui accomplit méthodiquement une œuvre de « livricide »: il détruit par tous les moyens possibles et imaginables les livres qui ont gâché un moment de son adolescence, des lectures souvent imposées par l’école. On comprend vite que cet acharnement destructeur n’est en fait qu’une déclaration d’amour fou à la littérature et une façon pour l’auteur de dire ses préférences. D’autres ont fait des dictionnaires ou des essais, Patrice Delbourg a choisi la voie du roman pour s’autoriser tous les excès de ses passions et nous les faire partager.

* Un cauchemar éveillé

L’école inspire décidément de bien étranges romans. Ainsi de « 120 journées » (Calmann-Lévy, 454 p., 22,10 euros), dans lequel l’ex-musicien et auteur d’une douzaine de livres Jérôme Noirez, s’appuie sur la structure des « Cent Vingt Journées de Sodome » de Sade pour imaginer que 4 filles et 4 garçons âgés de 12 à 15 ans sont choisis pour une expérience et séquestrés dans les sous-sols de leur collège par du personnel enseignant. Pourquoi eux, qui ne se connaissent pas, et dans quel but ? Pendant quatre mois ils vont se plier à des rituels éducatifs et des simulacres de cours, tandis que tous les dix jours un conteur raconte par la voie des ondes des histoires parfois drôles, parfois tragiques, parfois horribles, comme ce que vivent les adolescents enfermés. Où débute la fiction, où est la réalité, où commence l’adolescence, où se termine l’enfance…, l’auteur nous donne 120 jours et près de quatre fois plus de pages pour réfléchir !

* Un génie des mathématiques

Il fallait être passionnée de mathématiques comme Yannick Grannec pour prendre comme fil conducteur d’un premier roman le mathématicien et logicien Kurt Gödel, à qui l’on doit notamment le théorème d’incomplétude, qui fut toute sa vie un homme en retrait, avec une tendance certaine à l’hypocondrie. Cependant, loin de sacrifier à la biographie, l’auteure a préféré écrire le roman de sa vie en donnant la parole à sa veuve. « La Déesse des petites victoires » (Anne Carrière, 469 p., 22 euros.) se situe ainsi à deux époques différentes : dans les années 1980, après la mort de Gödel, Anna, documentaliste pour la bibliothèque de Princeton, s’efforce de soutirer à la veuve, dont la réputation de « vulgarité butée » est bien établie, les papiers et documents d’une inestimable valeur scientifique encore en sa possession. Adèle, la vieille dame indigne, finit par accepter et déroule l’histoire de leur vie depuis leur rencontre dans la Vienne flamboyante des années 1930, leur mariage improbable, leur départ pour les États-Unis via l’Union soviétique. Un roman habilement construit et intéressant à tous points de vue.

MARTINE FRENEUIL
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9167