* Ayant commencé à travailler au printemps dernier sur « Iphigénie »(1), Stéphane Brauschweig, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, a conçu un espace qui permet la distanciation. Un large podium noir au centre, et, de chaque côté, des rangées de chaises blanches réunies deux par deux. À l’arrière, sur les murs du fond, de vastes écrans sur lesquels sont projetées continûment des images de mer et de ciel, simplement déchirés du vol d’un oiseau, parfois. Les comédiens sont sonorisés et habillés de vêtements neutres, d’aujourd’hui.
Stéphane Braunschweig pensait depuis longtemps à cette pièce rarement jouée. La mise à l’arrêt du monde entier offre un reflet contemporain à cette histoire d’hommes puissants, arrêtés dans leur élan parce qu’il n’y a plus de vent. Le devin Calchas exige d’Agamemnon, le chef des Grecs qui veulent aller détruire Troie, de sacrifier sa propre fille, Iphigénie. Racine emprunte le nœud tragique à Euripide et compose un dénouement singulier.
Langue sublime, personnages attachants ou inquiétants, débats déchirants, tout ici émeut si l’on veut bien écouter et admirer le travail des interprètes. Deux distributions de haute qualité, moyen pour le directeur d’offrir du travail à une vingtaine de comédiens, en un moment très dur pour eux. L’austérité voulue du dispositif n’interdit pas l’émotion – malgré quelques défauts de sonorisation. Rarement montée, « Iphigénie » est une pièce passionnante qu’il faut découvrir.
* Pour qui apprécie la présence de la musique, « D’autres mondes » (2), de Frédéric Sonntag, une fable comme il les aime. Il tente de représenter ces mondes parallèles qui, peut-être, existent. Un fantastique appuyé sur des considérations scientifiques savantes, mais qui cite aussi le lapin d’Alice…
On peut regretter que l’auteur et metteur en scène n’ait pas mieux circonscrit son propos. La mécanique de la représentation se grippe en répétitions inutiles qui alourdissent inutilement le spectacle. C’est vraiment dommage, car le charme se dilue en pesantes – sinon pédantes – redites et l’ensemble manque d’humour. Mais Sonntag et ses interprètes sont sincères et leur propos est original.
Des reprises
* Du côté des solides reprises, on peut citer « Marie des poules » (3), belle histoire touchante d’une servante de George Sand qui s’épanouit en apprenant à lire et écrire avec la Bonne Dame de Nohant et en jouant dans les pièces de Maurice, le fils chéri, non insensible à son charme. Un personnage que Béatrice Agenin aime et fait aimer avec grâce et profonde intelligence et qui lui a valu un Molière. Une pièce de Gérard Savoisien avec Arnaud Denis, metteur en scène, elle-même couronnée du Molière du théâtre privé.
* Autre reprise de qualité, dans la petite salle du même théâtre, « Un de nous deux » (3), de Jean-Noël Jeanneney, avec Emmanuel Dechartre et Christophe Barbier, soit Léon Blum et Georges Mandel, emprisonnés près de Buchenwald. Très intéressant.
* Et enfin, pour rire franchement, et cela fait beaucoup de bien, « Par le bout du nez » (4), la comédie de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, d’après une farce catalane, qui réunit deux grands clowns, François Berléand et François-Xavier Demaison, sous la houlette de Bernard Murat. À voir et revoir pour le plaisir.
(1) Théâtre de l’Odéon aux Ateliers Berthier, jusqu’au 14 novembre, 2h15 sans entracte, tél. 01.44.85.40.40, theatre-odeon.eu
(2) Nouveau Théâtre de Montreuil, jusqu’au 9 octobre, 2h15 sans entracte, tél. 01.48.70.48.9, nouveau-theatre-montreuil.com
(3) Théâtre Montparnasse, jusqu'en décembre, tél. 01.43.22.77.74, theatremontparnasse.com
(4) Théâtre Antoine, jusqu’à la fin de l’année, tél. 01.42.08.77.71, theatre-antoine.com
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