« Les Ondes magnétiques », de David Lescot

L'épopée des radios libres

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Publié le 31/05/2018

David Lescot est un auteur dramatique qui compte. Universitaire, musicien, c’est un homme de théâtre complet, qui, la plupart du temps, met lui-même en scène les textes qu'il compose. Il s'intéresse à notre société. Il a écrit sur la finance (« le Système de Ponzi »), sur le réchauffement climatique (« les Glaciers grondants »). Il travaille pour des groupes de comédiens galvanisés par ses propos. C’est un très bon directeur d’acteurs et il a une imagination débordante lorsqu’il s’agit de mettre en action ses pièces.

Avec « les Ondes magnétiques », il évoque un bref épisode de l’histoire du XXe siècle, et, parlant des radios libres, il fait aussi le constat des rapides désillusions de la France, après l’euphorie suscitée, pour une partie du pays, par l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981.

Il s’est, comme toujours, très bien documenté et s’est entouré d’une équipe artistique qui fait revivre l’époque : décor bifrontal qui installe l’action entre deux volées de gradins, costumes, bande-son et musique (qu’il signe avec Anthony Capelli), tout sonne juste, tout semble « vrai ».

Il y avait les radios dites « pirates ». Très souvent brouillées. Arrivant au pouvoir, François Mitterrand multiplie les initiatives. L’argent coule à flots. Et les radios « libres » vont être autorisées. David Lescot nous introduit dans deux d’entre elles : Radio Quoi et Radio Vox.

Les mêmes huit comédiens incarnent les personnalités hautes en couleurs, changeant de personnage à toute allure, composant avec une vérité hallucinante des hommes et des femmes de ces cellules très actives. On reconnaît au passage Jean-François Bizot et quelques éclats de Radio Nova.

Le grand plaisir que l’on prend à ce spectacle est celui du jeu époustouflant des interprètes. Soit, par ordre d’ancienneté dans la Maison Molière, Sylvia Bergé, Alexandre Pavloff, Elsa Lepoivre, Christian Hecq, Nâzim Boudjenah, Jennifer Decker, Claire de La Rüe du Can, Yoann Gasiorowski. Ils sont tous irrésistibles et il faudrait des pages pour leur rendre hommage et analyser leur travail.

Le propos est très intéressant. On entend des voix d’autrefois. Mais il ne s’agit pas d’un documentaire ou d’un docufiction comme le fait l’audiovisuel. C’est du théâtre. Avec la vivacité d’une comédie survoltée, du fond, une justesse de ton. Et avec l’amère leçon du changement d’espérance politique, si vite survenu…

Vieux-Colombier, jusqu’au 1er juillet. Durée 2 heures. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9669