HONNEUR à une grande dame des lettres, Annie Saumont, qui a consacré son œuvre littéraire au genre de la nouvelle, avec plus de 250 textes brefs réunis dans une trentaine de recueils. Couronnés entre autres par le Goncourt (« Quelquefois dans les cérémonies »), la Société des gens de lettres (« Je suis pas un camion ») et bien sûr l’Académie française (« Un soir, à la maison »).
Annie Saumont nous offre, à l’âge de 85 ans, un nouveau recueil de 18 nouvelles d’écriture toujours aussi moderne, dans lesquelles, partant d’un fait-divers ou d’une anecdote, elle croque ses antihéros au moment où leur vie bascule. Un kidnappeur apprivoisé par sa victime, un garçon ne lâchant jamais la main d’un frère imaginaire, une mère sans scrupule volant son fiancé à sa propre fille, un frère follement amoureux de sa sœur handicapée, un poète en herbe mort d’avoir plongé d’une falaise à marée basse..., chaque fois, un détail transforme des existences banales en histoires extraordinaires.
Le titre de l’ouvrage, « le Tapis du salon » (1) est aussi celui de trois de ces nouvelles qui n’ont aucun lien entre elles, si ce n’est la présence d’un tapis. Dans la première, un tapis enveloppe les corps des deux parentes qui élevaient le narrateur, un orphelin, accusé à tort des meurtres. Dans la deuxième, alors qu’elle était sur le point d’accéder enfin au bonheur après s’être consacrée à son jeune frère, une femme s’emploie à nettoyer une tache sur le tapis, se trompe de produit et se frotte les yeux avec de l’acide. Dans la dernière, des commères jalouses passent leur temps à espionner leurs nouveaux voisins, imaginant et créant les pires horreurs après qu’un tapis leur est livré.
Vagabondages en tout genre.
Didier Daeninckx est l’auteur d’une quarantaine de romans et recueils de nouvelles (« Meurtres pour mémoire », « la Mort n’oublie personne », « Cannibale », « Camarades de classe », « Missak », « Galadio ») qui dépassent de loin le genre du polar pour nous conduire vers une critique sociale et politique, avec un retour parfois vers un passé douloureux et oublié.
Les 26 nouvelles de « l’Espoir en contrebande » (2) balancent entre la réalité et la fiction, nous conduisent aux quatre coins de la France comme aux quatre coins du monde, nous font rencontrer des personnages à l’opposé les uns des autres et oscillent entre le rire et les pleurs, la tendresse et la violence, l’actualité et l’Histoire. Autant dire qu’on ne s’ennuie pas.
Le récit qui donne son titre à l’ouvrage est l’enquête d’un policier après le meurtre d’un homme dans le pavillon espagnol de l’Exposition internationale de 1937, où était présenté pour la première fois « Guernica », peint par Pablo Picasso. L’inspecteur Lentraille n’aura le fin mot de l’histoire que huit années plus tard lors du procès de l’un des plus hauts gradés de la police parisienne, méditant sur « ces temps compliqués où la liberté ne survivait qu’en contrebande ».
Dans « la Péniche aux enfants », un gamin défavorisé dérobe, sur « la Wazemmes », qui apporte des livres rares entreposés dans le nord de la France jusqu’à la Très Grande Bibliothèque, à Paris, un ouvrage sur le canal de l’Ourcq. Une fois lu et relu, il le déposera en cachette à la Bibliothèque avant de revenir vers le canal, où « les écluses libèrent leurs eaux, comme un livre ouvert offre ses mots ».
Circonstances extrêmes.
Spécialiste de l’horreur et du fantastique qui a fait frémir des centaines de millions de personnes de par le monde, Stephen King est un nouvelliste patenté, auteur de quelque 160 fictions brèves. Le titre de son nouvel opus, « Nuit noire, étoiles mortes » (3), laisse présager la couleur de son humeur. Il rassemble quatre récits conséquents, qui relatent ce que des individus pourraient faire dans certaines circonstances extrêmes. Ce sont, selon l’auteur, des nouvelles « très dures », qui montrent que parfois, souvent même, nos espoirs peuvent se révéler vains.
Dans « 1922 », après qu’un fermier a assassiné sa femme avec l’aide de son fils de 14 ans, parce qu’elle voulait vivre en ville, leur vie va se transformer en enfer et devenir un univers de violence et de paranoïa. Dans « Grand chauffeur », une femme, auteur de polars, se fait violer sauvagement au bord d’une route ; rendue à moitié folle par l’agression, elle décide de se venger elle-même de l’homme et de son effrayante complice. Dans « Extension claire », un homme atteint d’un cancer fait un pacte avec un inconnu vendeur d’extensions en tout genre – cheveux, temps, amour... – et se décharge de ses souffrances sur un ami d’enfance dont il a toujours été jaloux afin d’obtenir un supplément de vie. Et dans « Bon ménage », une femme découvre par hasard qu’elle vit depuis plus de vingt ans aux côtés d’un tueur en série ; à vous de découvrir ce qu’il en adviendra.
Instantanés de vies.
Après un premier recueil de nouvelles, « la Patience des buffles sous la pluie », et un roman, « Un silence de clairière », tous deux récompensés, David Thomas donne un recueil de 70 nouvelles, rien moins, d’une page ou deux le plus souvent, plus courtes encore parfois, intitulé « Je n’ai pas fini de regarder le monde » (4). Ce sont en quelque sorte des instantanés de vies, des moments de notre existence saisis dans leurs souffrances, leurs cruautés, leurs faiblesses, leurs ridicules, leur sagesse aussi parfois.
Le récit éponyme met ainsi en scène un milliardaire qui, au faîte du pouvoir et de la renommée, prend conscience de la vacuité de son existence et se retire dans une cabane sibérienne au bord d’un lac, vivant de chasse, de pêche et de silence. Trois ans passent et il envoie toujours le même message : « Tout va bien, mais je n’ai pas fini de regarder le monde. »
Le virtuose du rêve éveillé.
L’écrivain américain Steven Millhauser est l’auteur d’une dizaine de livres et loin d’être un inconnu en France, puisqu’il a reçu le prix Médicis étranger 1975 pour « la Vie trop brève d’Edwin Mulhouse » et obtenu le prix Pulitzer 1997 pour « Martin Dressler, le roman d’un rêveur américain ». Les 12 nouvelles réunies dans « le Lanceur de couteaux » (5) nous hissent dans un monde quelque peu surnaturel, où le quotidien effleure le bizarre jusqu’à le magnifier.
Défilent ainsi un lanceur de couteaux qui repousse les limites de son art pour le plus grand plaisir et en même temps la plus grande gêne des spectateurs ; un homme dont la femme, Alice, est une énorme grenouille ; des jeunes filles qui se réunissent la nuit pour de mystérieux rites ; un jeune garçon virtuose du tapis volant... On aurait tort de se méfier, car si l’auteur place ses personnages dans des situations absurdes sans qu’ils réagissent, il a le talent d’amener le lecteur à les accepter de la même façon.
(1) Julliard, 190 p., 16 euros.
(2) Le Cherche Midi, 262 p., 15 euros.
(3) Albin Michel, 483 p., 22,90 euros.
(4) Albin Michel, 167 p., 15 euros.
(5) Albin Michel, 305 p., 22 euros.
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