« La Ménagerie de verre », de Tennessee Williams

Les cœurs blessés

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Publié le 07/04/2016
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Théâtre-La Ménagerie

Théâtre-La Ménagerie
Crédit photo : E. CARECCHIO

C’est l’une des pièces les plus fortes du XXsiècle. Une grande pièce qui plonge au cœur d’une famille particulière, une pièce dans laquelle Tennessee Williams a mis beaucoup de sa propre vie et c’est sans doute l’un des secrets de ce chef-d’œuvre : par-delà ces personnages si particuliers, le cœur blessé d’un homme palpite, des cœurs blessés tentent de vivre.

La pièce, très souvent reprise, offre quatre grands rôles. Une femme fantasque, Amanda (Dominique Reymond), qui n’a pas voulu grandir, après le départ de son mari, inconséquent voyageur des lointains. Ses deux enfants, un garçon qui fait vivre la famille, Tom (Olivier Werner), une fille, Laura (Solène Arbel), qui est enfermée en elle-même parce qu’elle souffre d’une légère claudication ; elle ne supporte pas le monde extérieur et se réfugie auprès de sa collection de petits animaux en verre soufflé (le titre de la pièce vient de là). Et un ami de travail de Tom, Jim (Pierric Plathier), qui a été à l’école secondaire avec Laura et en qui la mère voit l’idéal « galant » qu’elle cherche pour sa fille.

Excellemment traduite par Isabelle Famchon, « la Ménagerie de verre » nous semble plus proche, plus vraie, plus cruelle que jamais. Plus proche malgré une coquetterie du metteur en scène, qui signe lui-même la scénographie du spectacle (il est indissociable du travail de Claude Régy, de ses recherches) : le plateau, recouvert d’une sorte de matière cotonneuse blanche, est fermé par un tulle qui empêche de voir les expressions des visages des protagonistes – et voyant mal, on entend mal. 

Reste que le spectacle est très beau. Le Tom d’Olivier Werner a l’autorité, la probité et la sensibilité qui conviennent. Pierric Plathier donne à Jim du charme et de la vitalité, une pureté, une simplicité qui contrastent avec les trois êtres malheureux que sont la mère, le fils, la fille.

Solène Arbel est fine, sensible, frémissante sans excès, très touchante. Dans la partition d’Amanda, Dominique Reymond est évidemment magnifique. Sa profondeur de jeu, sa beauté, sa voix envoûtante donnent à Amanda sa dimension tragique, loin de la mièvrerie que pourraient laisser sourdre les costumes, les postures.

Théâtre de la Colline, à 19 h 30 le mardi, à 20 h 30 du mercredi au samedi, à 15 h 30 le dimanche. Jusqu’au 28 avril. Durée : 2 h 10 sans entracte. Tél. 01.44.62.52.52, www.colline.fr

Puis en tournée, à Bourges du 11 au 13 mai, à Brest les 18 et 19 mai, à Reims du 24 au 27 mai.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9486