Comment se sont constitués les savoirs au cours des siècles ? Une question qui pose le problème de la transmission de ces savoirs, au travers en particulier de l'archéologie. L'occasion de se confronter une fois de plus à l'opposition entre l'homme et l'animal, l'acquis et l'inné, et la frontière qui séparerait la nature et la culture.
Des sujets qu'on pourrait juger un peu trop rebattus, mais que le travail de Patrick Pion, maître de conférences en préhistoire à l'université Paris-Nanterre, et Nathan Schlanger, archéologue et historien des sciences sociales, remet en perspective. Grâce à de nombreuses contributions, empruntées souvent à l'ethnologie et à la psychologie de l'enfant, issues d'un colloque international organisé par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), en partenariat avec Universcience.
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs n'organisent pas leur savoir, pourtant elles recensent et transmettent des savoirs par la force des choses. L'ethnologue Tetsuro Matzuzawa a étudié les chimpanzés de la forêt de Bossou en Guinée, qui cassent des noix très dures en les posant sur une pierre (l'enclume) et en frappant avec une autre pierre (le marteau). Les jeunes générations finissent, en multipliant les combinaisons, par transmettre ces savoirs acquis.
Dépassant ce cadre, beaucoup de chercheurs ont tenté de ressaisir les raisons qui poussent les espèces à perpétuer leurs savoirs alors qu'elles n'y ont pas d'avantages particuliers. Ainsi du hiatus entre la théorie et la situation humaine, « où manifestement, de nombreux individus dépensent du temps et de l'argent pour en aider d'autres qu'ils ne connaissent parfois même pas ». C'est ce qui est ordinaire qu'il faut questionner, disait Bachelard. N'est-il pas étonnant de découvrir qu'il n'y a peut-être aucune raison d'enseigner ?
Les travaux présentés sont d'un grand niveau de complexité mais les auteurs nous invitent à « ne pas restreindre les savoirs aux seuls territoires lettrés et aux cultures de l'écrit ». Ils ont le bon sens de nous rassurer en rappelant que « l'essentiel des savoirs qui nous permettent de nous comporter dans la vie ne provient pas de nos professeurs, mais de nos bavardages quotidiens ». Ouf !
« Apprendre - Archéologie de la transmission des savoirs », sous la direction de Patrick Pion et Nathan Schlanger, La Découverte/INRAP, 300 p., 24 €
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