IL CONVIENT de revisiter un peu Sigmund Freud dans son époque et ses travaux et une brève mais dense introduction nous y aide. En 1907, il a déjà plus de 50 ans, il est marié depuis plus de vingt ans avec Martha, née Bernays. Depuis 1891, il vit dans l’appartement situé au 19 Bergasse, à Vienne. Avant la première guerre mondiale, Freud connaît une grande aisance financière, mais entretient une maisonnée importante.
À partir de 1905, la renommée de la psychanalyse devient mondiale et on peut voir que, dès le début, les enfants de Freud y sont associés. À 17 ans, Mathilde était au fait de « la méthode thérapeutique de papa ». Martin – nommé Jean-Martin à partir des prénoms de Charcot – se présente souvent comme « le fils aîné de Sigmund Freud » mais on sait que seule Anna sera associée aux travaux de son père.
Martin et Sophie.
Dans un ouvrage intitulé « Sigmund Freud, mon père » (1957, Heidelberg), Martin se plaint de ne pas voir fréquemment son géniteur, en dehors de rituelles vacances en Italie. La lecture, hélas souvent unilatérale, de la correspondance de Martin et de Sigmund révèle pourtant un père affectueux, très préoccupé de la santé et de la situation financière de ses enfants, une constante qui inclut les gendres et les brus, en particulier Max Halberstadt, le mari de Sophie.
Instable, vaniteux, homme à femmes, Martin est en réalité l’enfant-père d’un homme complexe. Éditeur, juriste, seul de la tribu Freud à avoir divorcé, il semble avoir eu avec son père une relation difficile. Dans une réponse à une lettre où il relate sa douleur après une rupture amoureuse, Martin se voit durement tancé pour son manque d’agressivité. La préface le concernant note que « Martin est celui qui a le plus mal supporté le destin d’avoir un père célèbre ».
Le choix de Sophie ne tient pas au désir de hiérarchiser les enfants Freud par ordre d’intérêt. De fait, « la petite » resta jusqu’à son mariage son enfant préféré. Sa remarquable beauté la fait figurer sur la couverture de l’ouvrage, une façon de dire que, dans le clan Freud, c’est Anna qui aurait pris l’intelligence. Mais c’est aussi son destin tragique qui crée la légende de Sophie. Le 25 janvier 1920, elle succombe à une « pneumonie grippale ». C’est « une monstruosité que des enfants doivent mourir avant des parents », dit Freud, dont le chagrin fut accru par le décès du fils cadet de Sophie, le petit Heinele.
Manque Anna… Sa personne est l’objet d’un autre découpage éditorial. C’est elle qui, plus que Sophie, figure, très proche de son père, sur les photographies. Un père taxé parfois de pansexualisme, qui ignorera longtemps l’inattendu choix sexuel de sa fille.
Pour les autres enfants étudiés dans cet ouvrage, ils semblent avoir été les destinataires d’un patriarche faussement distant, mais hypersoucieux de leur bonheur. Après la mort de Sophie, le sphinx de la Bergasse laisse échapper un « Nécessité obtuse, résignation muette », qui fait dire au traducteur : « Le français peine à suivre hélas. »
Sigmund Freud, « Lettres à ses enfants », édition critique par Michael Schröter, traduit de l’allemand par Fernand Cambon, Aubier, « Psychanalyse », 580 p., 27 euros.
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