ON Y TROUVE au début l’idée que notre époque troublée ne peut offrir prise qu’à des récits brumeux : l’avenir est incertain, on se réfugie frileusement dans les bonnes vieilles valeurs, la religion, par exemple. Or la théorie du complot, anglicisée sous le terme de conspirationnisme, a l’avantage de donner une lisibilité. Tout ce qui arrive de négatif ne renvoie pas une chaîne causale scientifique, mais à des forces occultes maléfiques. Qui a intérêt à ce que tel événement (crise économique, guerre, attentats) se produise ? Comme si le soupçon valait preuve. Il y a donc eu complot, affirmation totalement irréfutable, car ceux qui disent qu’il n’y en a pas... font partie du complot et cherchent à nous intoxiquer.
C’est à partir de cette logique paranoïaque que l’auteur analyse la diffusion et la prolifération du plus grand mythe complotiste, la diabolique collusion judéo-maçonnique. L’abbé François Lefranc (1739-1792) est le premier auteur à avoir élaboré un modèle d’explication conspirationniste de la Révolution française : il s’agit selon lui d’une conjuration maçonnique contre l’Église et la monarchie. Au siècle suivant, Henri-Roger Gougenot des Mousseaux attribuera des origines juives à la franc-maçonnerie.
Il est intéressant de voir comment peuvent confluer ici deux mythologies : celle de la société secrète et de ses rites mystérieux et celle de la finance juive internationale tirant les ficelles du monde. Il est non moins intéressant de voir cette confluence résister à tout esprit critique et permaner encore aujourd’hui.
Tout comme résiste au doute et au temps le très célèbre « Protocoles des sages de Sion », sur lequel Pierre-André Taguieff a déjà beaucoup écrit. Ce faux de la littérature antijuive était censé révéler la tentative du judaïsme mondial de prendre les commandes du monde. Ce « document », fabriqué par l’Okhrana, la police secrète du tsar, en 1897, n’était qu’une paraphrase du « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu », pamphlet contre Napoléon III d’un certain Maurice Joly. Utilisés contre le « judéo-bolchévisme » puis repris par le monde arabe, les « protocoles » montrent la grande vitalité du fantasme du complot et de sa petite sœur, la rumeur. L’une celles-ci continue de se propager : selon elle, 4 000 Juifs ne sont pas allés travailler au World Trade Center le 11 septembre, jour des attentats.
Faut-il s’en réjouir ? Pierre-André Taguieff aura encore bien du travail.
Pierre-André Taguieff, « Court Traité de complotologie », Mille et une nuits, 440 p., 23 euros.
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