CINEMA - « Mainline », de R. Bani-Etemad et M. Abdolvahab

L’Iran et ses paradis artificiels

Publié le 20/04/2011
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Crédit photo : DR

RAKHSHAN BANI-ETEMAD, née en 1954 à Téhéran, est considérée comme la principale femme réalisatrice en Iran. Elle a signé de nombreux documentaires et des fictions, dont plusieurs évoquent la condition de la femme. Le documentaire « Sous la peau de la ville », distribué en France en 2005, évoquait déjà le problème de l’héroïne. Pour la réalisatrice, l’addiction « frappe toutes les couches sociales de notre jeunesse et est une sorte de cancer caché qui la ronge ». La bourgeoisie iranienne est, ajoute-t-elle, « victime de ce problème car sa jeunesse supporte difficilement l’isolement culturel dans lequel elle se trouve et elle se réfugie dans les paradis artificiels en espérant y trouver sinon une solution au moins une échappatoire à ses problèmes ».

Mais rien de théorique dans « Mainline » (la veine utilisée par les consommateurs d’héroïne pour s’injecter leur produit ; le titre original du film signifie « jeu de sangs »). C’est bien l’histoire de Sara que le film raconte, une jeune fille qui doit bientôt se marier avec un garçon qui termine ses études à Toronto et que sa mère veut conduire dans une clinique sur les rives de la mer Caspienne pour qu’elle se désintoxique.

Il y a peu de personnages, hors les deux femmes, mais la ville, Téhéran, dont on voit les boulevards encombrés de voitures ou les rues où Sara va chercher sa drogue, est oppressante. Et, plus tard, les routes isolées dans les montagnes ne semblent pas moins menaçantes. Les cinéastes font apparaître et disparaître quelques couleurs, sur leurs images le plus souvent en noir et blanc ou sépia, pour signifier l’absence d’horizon et de lumière dans la vie de Sara et de sa mère. Et pourtant, la robe de mariée devrait être gage de bonheur. Les gros plans, les plans-séquence contribuent à la force du récit, qui doit beaucoup aux deux actrices, Baran Kosari, fille de la réalisatrice, et Bita Farahi.

Si, en soi, le sujet n’a rien d’original, la mise en scène, dans le cadre iranien, en fait une découverte de tous les instants.

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8946