« Tartuffe », « les Jumeaux vénitiens »

Molière et Goldoni, métamorphoses classiques

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Publié le 28/09/2017
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Théatre-Tartuffe

Théatre-Tartuffe
Crédit photo : MARCEL HARTMANN

Le public ne se lasse pas d’applaudir Michel Bouquet, qui vient de consacrer un livre fervent à son maître Molière (« Michel Bouquet raconte Molière », Philippe Rey éditeur, 16 €). Michel Fau, qui avait notamment monté un Misanthrope original au Théâtre de l’Oeuvre, joue le rôle-titre du Tartuffe (1) et a confié le rôle d’Orgon à son ancien professeur, qui aura 92 ans le 6 novembre.

Dans un décor d’Emmanuel Charles évoquant par ses architectures et ses dorures le monde baroque et donnant aux costumes de Christian Lacroix une force particulière dans la définition de chaque personnage, on se croirait plusieurs années avant 1669, dans l’univers des autos sacramentales espagnols. La distribution est cohérente et les comédiens respectent avec rigueur, et sans raideur pourtant, les vers.

Tartuffe, le faux dévot, s’est introduit dans la maison d’Orgon pour faire main basse sur ses biens. Il convoite sa femme Elmire et ne refuserait pas d’épouser Mariane, sa fille, que ce père aveuglé veut lui offrir. Michel Fau lui donne une couleur diabolique et vénéneuse, face à un Orgon littéralement possédé et qui est d’une cruauté effrayante envers ses enfants. Mention spéciale à Christine Murillo dans la savoureuse partition de Dorine. Du grand art, singulier, pour un chef-d’œuvre ici revivifié par une esthétique et une vision très originales mais fidèles à l’essence de la pièce.

Double rôle et quiproquos

Plus classique est la mise en scène de Jean-Louis Benoit pour la délicieuse comédie de Carlo Goldoni, « les Jumeaux vénitiens » (2). Il a traduit, adapté la pièce. Les dialogues sont d’un grand naturel et sonnent juste. Dans un beau décor de Jean Haas et des costumes harmonieux de Frédéric Olivier, la représentation est vive et la distribution excellente.

On apprécie en particulier ce « tartuffe » de Pancrace, très bien dessiné par Olivier Sitruk, et l’on admire le grand art de Maxime d’Aboville, qui joue les deux frères, longtemps séparés et très différents, que le hasard de la vie fait se croiser à Vérone, déclenchant une cascade de quiproquos savoureux. On rit beaucoup et l’on applaudit la double composition, les changements ultrarapides du comédien, fin, délié, profond, excellent dans le sentiment comme dans les combats à l’épée. Une très belle soirée, rafraîchissante et de haute qualité.

 

(1) Théâtre de la Porte-Saint-Martin, jusqu’à la fin de l’année. Du mardi au vendredi à 20 heures, samedi 20 h 30, dimanche 16 heures. Durée 2 h 10. Tél. 01.42.08.00.32, www.portestmartin.com
(2) Théâtre Hébertot, jusqu’à la fin de l’année. Du mardi au samedi à 21 heures, samedi 16 h 30, dimanche 16 heures. Durée : 2 heures. Tél. 01.43.87.23.23, www.theatrehebertot.com

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9605