* Généreusement primée pour « la Daronne » (adapté au cinéma avec Isabelle Huppert, film qui devait sortir le 25 mars), Hannelore Cayre, qui est avocate pénaliste, récidive dans l’originalité et l’humour noir avec « Richesse oblige » (1). Elle y dessine une incroyable galerie de personnages et déroule une double histoire abracadabrantesque, qui lui permet d’illustrer l’emprise et les abus des nantis qui se transmettent de génération en génération. Tout cela parce que Blanche, boiteuse mais qui n’a pas froid aux yeux, a découvert qu’elle portait le même nom qu’une grande famille d’industriels qui a régné et règne encore sur les plus faibles ; mais qui a compté dans sa lignée un certain Auguste, un surprenant utopiste comme l’est aussi la jeune femme. Alternant les périodes, la guerre de 1870 et d’aujourd’hui, l’auteure dénonce, à partir de la levée d’un secret de famille, les magouilles économiques, financières, écologiques et autres qui perdurent quand personne ne s'y oppose.
* Les violences faites aux femmes sont au cœur du premier roman d’une poétesse qui est aussi ingénieure de la police scientifique, Claire Raphaël. Construit sous la forme d’un polar, « les Militantes » (2) est écrit avec efficacité et sobriété et l’on suit avec intérêt les investigations d’une experte en balistique. La victime, assassinée en pleine rue avec des balles gravées à ses initiales, était une ancienne femme battue, qui avait choisi d’aider d’autres femmes en détresse. L’ex-mari violent et un journaliste d’extrême-gauche pas plus recommandable sont les premières cibles des enquêteurs, avant que ne survienne un autre meurtre, puis un troisième.
* Romancier et historien qui a consacré sa vie à « dire le Sud », Shelby Foote (1916-2005) situe « September September » (3) en septembre 1957. Neuf élèves afro-américains furent alors empêchés, sur ordre du gouverneur de l’Arkansas et bien que la ségrégation raciale ait été abolie trois ans auparavant, de faire leur entrée au collège de Little Rock ; le président Eisenhower dut faire intervenir l’armée pour que l’ordre soit assuré. À ce fait d’Histoire répond un fait-divers fictionnel : l’enlèvement et la séquestration par trois petits malfrats, deux hommes et une femme blancs, d’un jeune garçon issu d’une famille aisée de la bourgeoisie noire, pour demander une rançon. L’intrigue est simple, mais chaque scène, racontée par différents personnages et en relation avec les événements sociaux, crée une tension sans pareille.
En prison
* Jeune journaliste, Pauline Claviere nous confine en prison pour une lecture de plus de 600 pages, qui est néanmoins loin de s'apparenter à une peine. Le héros malchanceux de « Laissez-nous la nuit » (4) est un homme dans la cinquantaine, patron d’une imprimerie familiale. Pour avoir quelque peu franchi les limites de la légalité en tentant de sauver sa société et parce qu'il est accusé de n'avoir pas acquitté une traite, il a écopé d’un an de prison ferme. Le roman, inspiré d’une histoire vraie, raconte la descente aux enfers de cet homme ordinaire dans un univers où règnent le mal, la violence, la folie. Et il brosse le portrait de personnages étonnants, détenus et gardiens, médecins, des monstres parfois, mais pas seulement. Un monde certes inhumain, décrit avec un parti-pris de beauté et de poésie.
* La prison est aussi le décor, en partie, de « la Seconde Vie de Rachel Baker » (5), écrit par une Bretonne de naissance et de cœur, Lucie Brémeault, mais qui se déroule au fin fond de l’Alabama. Rachel, qui est serveuse dans un petit restaurant, est la seule survivante d’une tuerie perpétrée par trois hommes. Son fiancé est parmi les victimes. Parce qu’elle a l’occasion de se venger elle connaîtra à son tour l’enfermement durant de longues années, le temps de souffrir et aussi de se reconstruire.
L'espoir des réfugiés
* Après la résilience, l’espoir. C’est le message de « l’Apiculteur d’Alep » (6), un beau roman qui témoigne de la violence de la guerre et de l’effroyable périple des réfugiés. L’histoire commence à Londres, où Nuri et son épouse Afra attendent de savoir s’ils pourront rester ou seront renvoyés. Nuri était apiculteur à Alep, Afra artiste peintre ; elle est maintenant aveugle, victime de la même bombe qui a tué leur fils Sami. Ils n’avaient plus d’autre choix que de tout abandonner et de fuir la destruction et la mort. Christy Lefteri, née à Londres de parents chypriotes et qui a travaillé comme bénévole dans un camp de migrants à Athènes, donne ici des noms et des visages à la tragédie impersonnelle des réfugiés, et rend son récit, par la juxtaposition des moments de vie heureux en Syrie et des horreurs de la guerre, aussi crédible qu’émouvant.
* « La Cité des chacals » (7) est le cinquième roman de Parker Bilal (pseudonyme de l’auteur anglo-soudanais Jamal Mahjoub) qui met en scène le privé Makana. Son prétexte est certes doublement policier : la découverte, dans le Nil, de la tête coupée d’un réfugié Soudanais et la disparition, après d’autres étudiants, du fils de riches restaurateurs. On est au Caire, en 2005, à la veille des émeutes de décembre, alors que les Soudanais du Sud, souvent des ethnies noires, fuient les exactions des milices du Nord à majorité arabe et échouent par milliers dans des camps insalubres, telle la Cité des chacals. Les deux mystères vont évidemment se rejoindre, mais seulement après que l’auteur nous a entraînés dans les bas-fonds comme dans les hautes sphères cairotes, d’où se dégage la même puanteur.
(1) Métailié, 217 p., 18 € (2) Rouergue, 223 p., 18 € (3) Gallimard, 431 p., 21 € (4) Grasset, 617 p., 21,50 € (5) Plon, 274 p., 18,90 € (6) Seuil, 314 p., 20 € (7) Gallimard, 452 p., 21 €
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