Trois pièces, à Paris puis en région

Naguère et jadis

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Publié le 12/01/2017
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Theatre-Letzlove

Theatre-Letzlove
Crédit photo : CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

Comme cela arrive souvent, c’est dans une petite forme que l’on a trouvé le plus d’originalité et d’intérêt théâtral. Seul le titre est compliqué  :  « Letzlove-Portrait(s) Foucault » (1). Il renvoie à un entretien publié pour la première fois en 1978. Entre le philosophe, professeur au Collège de France, et un jeune homme d’un peu plus de 20 ans.

Thierry Voeltzel faisait du stop pour se rendre chez ses parents, à Caen. Une petite voiture blanche s’arrêta. C’était Michel Foucault. Il venait de publier « Moi, Pierre Rivière, ayant tué ma mère, mon frère et ma sœur », l’ouvrage collectif inspiré de son séminaire, et allait sur le tournage du film éponyme de René Allio. Il y avait un rôle  ! Ce fut une rencontre, une histoire de séduction. Un éditeur proposa un dialogue. Le livre a été republié il y a quelque temps sous le titre « Vingt ans et après » (Verticales).

Pierre Maillet, comédien, metteur en scène, épris des êtres singuliers et des histoires étranges, a monté une traduction scénique légère dans le cadre d’un cycle de la Comédie de Caen. Il joue lui-même Michel Foucault, en retrait le plus souvent. Sur le plateau, un jeune comédien remarquable, Maurin Olles. Ici, le miracle tient au naturel apparent des échanges, doublé de ce que l’on retrouve de ces années où déjà pointe le chômage. Les deux hommes parlent avec une liberté, une sincérité qui peut être dérangeante, sexualité, amour, famille, travail, politique, drogue. Le jeune homme travaille dans un hôpital et son récit est très intéressant, avec, en plus, une anecdote bouleversante.

Pour s'amuser

On est évidemment beaucoup moins étonné par un spectacle Feydeau. « Hôtel Feydeau » (2), montage de pièces très connues, tressées en une sorte de revue avec intermèdes dansés, et interprétées par des comédiens épatants, André Marcon et Manuel Le Lièvre en tête, ne peut qu’amuser le public bon enfant.

Les situations de « Léonie est en avance », de « Feu la mère de Madame », ou d’« On purge Bébé » sont folles et les répliques fusent. On peut regretter d’être privé de certains dénouements, des chutes insensées. Mais c’est le pari d’un juvénile Georges Lavaudant. Tel quel, ce spectacle divertissant et qui passe très vite, a bien des vertus et ses couleurs vous feront oublier l’hiver.

Énigmatique

Alain Françon avait lui-même mis en scène ces pièces courtes qui ont également intéressé Didier Bezace. Cette année, il choisit une pièce très énigmatique de l’Allemand Botho Strauss, « le Temps et la Chambre » (3). Une pièce qui date de 1988 et avait été montée en France par Patrice Chéreau, qui en tira un film envoûtant. C’est Michel Vinaver qui l'a adaptée.

Dans un beau décor, très loft berlinois, des gens semblent installés, d’autres sont de passage, ils disparaissent, reviennent. Est-ce que les murs ont gardé l’empreinte des vies  ? Et cette colonne qui parle  ? Il y a un effet de « sketches  », sinon de scènes, dignes d’un bon boulevard dans cette pièce écrite pour la troupe de la Schaubühne, ici servie par une pléiade d’excellents interprètes, parmi lesquels Jacques Weber, Dominique Valadié, Vladimir Yordanoff. Mais toujours domine une certaine « inquiétante étrangeté  », car on ne sait pas qui sont vraiment ces personnages et ce qu’ils recherchent…

(1) Le Monfort, à Paris, jusqu’au 21 janvier (tél. 01.56.08.33.88, www.lemonfort.fr). Puis à Rouen (CDN Haute-Normandie) du 28 février au 4 mars, et à Brest (Quartz) du 25 au 27 avril.
(2) Odéon, jusqu’au 12 février (tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu). Puis à La Comète de Châlons-en-Champagne les 27 et 28 février, à l’Archipel de Perpignan les 5, 6, 7 octobre.
(3) La Colline, jusqu’au 3 février (tél. 01.44.62.52.52, www.colline.fr). Puis à Amiens, Grenoble, Béziers, Lille, Dijon.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9546