AU DÉPART, il y a, au tournant des années 1960-1970, « la Reproduction », de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron. Cet essai établit, statistiques à l’appui, la manière dont le capital culturel dépend du capital économique. L’école est donc mise en question. Au-delà des simples savoirs, elle transmet des codes sociaux, une habileté qui se perpétuent au détriment des élèves issus des milieux populaires.
Dans « la Distinction », publié en 1979, Bourdieu étend l’examen du pouvoir culturel aux pratiques de consommation, loisirs, goûts de toutes sortes, qu’il nomme habitus. Cette thèse (en fait d’un marxisme primaire) a un intérêt majeur. Les différences en capital culturel servent de masque à celles directement issues des inégalités de fortunes. Ce ne sont pas les mêmes qui vont à l’opéra ou au « foot ». Les pratiques situées sur l’échelle du snobisme sont donc classées et, par là même, classantes.
Mondialisation.
Tout ce scénario, qui pointe du doigt en particulier l’humiliation des classes dominées, pauvres et dépourvues des accès aux pouvoirs que donne le capital symbolique, explose avec la généralisation de l’accès à l’enseignement secondaire, l’allongement de la durée des études, mais surtout l’essor d’une culture mondialisée se répandant sur les ailes de la civilisation des loisirs.
Cette mondialisation culturelle entraîne une double déploration contradictoire. La droite reprend plus que jamais les thèmes de la médiocrité des diplômes, du niveau qui baisse et de loisirs attirés forcément vers le bas. La gauche cherche à montrer que rien n’a vraiment changé dans les habitus ; tous les jeunes ont à peu près les mêmes blousons et les mêmes jeans, mais c’est toujours la même petite élite qui va au théâtre et à l’opéra. Autrement, cette culture mondialisée est vitupérée car elle sert en fait de rideau de fumée.
Mais les temps changent… La reproduction n’est pas aussi automatique que Bourdieu et Passeron avaient cru le discerner, les causalités se volatilisent, les individus traversent aujourd’hui des univers plus variés. C’est ainsi, dit Philippe Coulangeon, que « les goûts et les usages se forment dans la durée, au contact non seulement de l’environnement familial, mais aussi dans les diverses arènes de socialisation scolaire, amicale, amoureuse, professionnelles, etc. ». Même la région ou l’habitat peuvent être homogénéisant.
Il n’en reste pas moins que la moquerie à l’égard des « philistins » au pouvoir a pour contrepartie une nostalgie un peu rance. La nostalgie de ceux qui n’aimaient la culture que dans sa violence symbolique.
Philippe Coulangeon, « les Métamorphoses de la distinction - Inégalités cultturelles dans la France d’aujourd’hui », Grasset, coll. « Mondes vécus », 163 p., 15 euros.
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