Au musée d'Orsay

Petit tableau, grand prophète

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Publié le 14/02/2019
Art-Sérusier

Art-Sérusier
Crédit photo : RMN/GP (MUSÉE D'ORSAY)/H. LEWANDOWSKI

En octobre 1888, Paul Sérusier peint à Pont-Aven une petite étude de plein air. « Sous la direction de Gauguin », est-il écrit au revers du tableau. « Comment voyez-vous cet arbre, avait dit le mentor du jeune peintre de 24 ans : il est vert. Mettez donc du vert, le plus beau de votre palette. Et cette ombre, plutôt bleue ? Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. »

Ainsi naît une icône de l’histoire de la peinture, avec ses couleurs pures et expressives et son autonomie par rapport à la réalité, avec des formes simplifiées en aplat qui privilégient la perception visuelle. Ce synthétisme est un pas vers l’abstraction.

Le paysage du Bois d’amour deviendra « le Talisman » lorsque, de retour à Paris, Sérusier le présente à ses amis de l’Académie Julian, Denis, Ranson, Bonnard, Vuillard, Roussel, Vallotton, Lacombe. Ils forment le groupe Nabi, mot qui en hébreu signifie « prophète ».

Lors de leurs réunions, où religion et ésotérisme ont leur place, chacun apporte « une icône ». Autant de petits formats présentés dans l’exposition, qui témoignent de l'audace et de la radicalité de ces artistes. Il y a comme une vision hallucinatoire de la réalité.

Ce sont les premiers pas de l’aventure des Nabis. Mais Sérusier poursuit ses recherches plastiques, avec ses cercles chromatiques de tons chauds et froids, pour rechercher une relativité des couleurs qu’il publiera dans « l’ABC de la peinture » en 1921. On est alors loin du premier tableau de l’exposition, peint également en 1888, qui représente un couple dans un intérieur breton sombre.

À Aix, la non-figuration

Roger Bissière, Elvire Jan, Jean Bazaine, Jean Le Moal, Gustave Singier et Alfred Manessier sont amis. Ils ne font partie d’aucun groupe mais partagent une vision esthétique et émotionnelle de la peinture. Ils sont non-figuratifs, n’ont rien à voir avec l’expressionnisme abstrait américain contemporain et sont désignés comme la nouvelle École de Paris. À partir de la nature, ils étudient les formes, les lumières, les couleurs qu’ils transposent aussi en tapisseries, mosaïques et vitrail, comme Manessier.

Les non-figuratifs rencontrent un grand succès pendant une vingtaine d’années, sont collectionnés par les musées, en particulier celui d’Art moderne de Paris, et les particuliers, tel celui qui présente une majorité des 100 tableaux exposés au musée Granet, à Aix, dans le cadre de la Fondation Planque. L’exposition ira plus tard à La Piscine, à Roubaix.

 

 

 

– Musée d’Orsay, Paris, jusqu'au 2 juin, www.musee-orsay.fr

– Musée Granet, Aix-en-Provence, jusqu'au 31 mars, www.museegranet-aixenprovence.fr

 

Caroline Chaine

Source : Le Quotidien du médecin: 9724