* Comédienne et auteur dramatique, Guyette Lyr est une romancière rare. Neuf ans séparent « Judith Nothing » et « Lui à deux pas de moi » (1), qui déroule, à travers le regard d’un enfant, la descente aux enfers d’une famille modeste et heureuse, emportée par un rêve d’ascension sociale. Un couple uni, Roger et Marguerite, une fille et un fils aimés ; tout n’est que quiétude chez les Vialle, installés dans un village près de la mer. Martin aime passionnément et admire ce père qui sait tout faire et lui montre les choses de la vie. Mais quand Martin a 9 ans, Roger, stimulé par sa femme, entraîne la famille vers la ville, vers des mirages d’argent et de progrès. Le lien est rompu. Comment rejoindre ce père pris dans les tourments d’autres ambitions ?
* Abdelilah Laloui. Un nom à découvrir dans un livre où il se raconte, « les Baskets et le Costume » (2). Un nom à retenir. Il a 20 ans, il est « issu de l’immigration », il a grandi de banlieue lilloise en banlieue parisienne. Il a découvert, en classe de première, que lire un livre n’est ni ringard ni ennuyeux. Il devait être frigoriste, comme son père, il est aujourd’hui en deuxième année à Sciences Po et il a cofondé l’association Tous curieux, qui promeut l’accès à la culture en zone défavorisée. L’avenir dira s’il sera un écrivain, mais il sait déjà mettre en scène son jeune parcours et la manière dont il a fini par trouver sa liberté en revendiquant ses goûts personnels.
* Avec « Jetez-moi aux chiens » (3), Patrick McGuinness (professeur de littérature française à l’université d’Oxford, prix du Premier Roman étranger avec « les Cent derniers jours ») a écrit le roman du harcèlement. Une jeune femme a été retrouvée étranglée au sud de Londres ; le voisin de la victime, M. Wolphram, un ancien professeur de lycée en retraite, est suspecté. Il se dit innocent, mais devient la proie de la presse à scandale et des médias, il est désavoué par ses voisins, ses anciens collègues et élèves. Le narrateur, le policier qui enquête sur le crime, ne crie pas avec les loups. Il se souvient que M. Wolphram a été jadis l’un de ses professeurs et qu'il avait déjà été mêlé à une affaire. Alors, coupable ou innocent ? La réponse au bout de quatre terribles journées, où passé et présent s’entrechoquent.
* Auteur d’une quinzaine de romans, parmi lesquels « l’Enfant volé », prix Femina étranger 1993, l’Anglais Ian McEwan nous plonge, avec « Une machine comme moi » (4), dans un Londres imaginaire de 1982 où, parmi d’autres uchronies, le mathématicien Alan Turing (mort en 1954) est encore en vie. Il a créé Adam, un androïde qui ressemble trait pour trait à un humain, est doté d’une superintelligence et de facultés d’apprentissage infinies, a des émotions et des sentiments. C’est ainsi qu’Adam tombe amoureux de la compagne de Charlie, le narrateur, qui l’a acheté 86000 livres. Loin de tourner au vaudeville avec cette intrusion d’une machine dans un ménage à trois, le récit, qui se déroule sur fond de catastrophes politiques et économiques tout à fait d’actualité, s’interroge sur des robots de plus en plus perfectionnés… Trop peut-être pour accepter les imperfections et les mensonges de ses créateurs humains.
Violences
* « La Mort du soleil » (5) est le 11e livre traduit en français de l’écrivain chinois Yan Lianke (prix Kafka 2014 pour l’ensemble de son œuvre). Si on retrouve avec délectation sa verve de conteur, son style aussi vif que pittoresque et empreint d’humour noir, l’auteur présente ce roman comme un tournant dans son travail. Ainsi Li Niannian, 15 ans, considéré comme l’idiot de son petit village des monts Funiu, doit raconter ce qui s’est passé, car le voisin Yan Lianke, un personnage à part entière, a perdu l’inspiration. En plein été, alors que le soleil se refusait à poindre, les gens du village ont sombré dans une épidémie de somnambulisme sans fin au cours de laquelle, transgressant la morale, le bon sens, les convenances, ils ont réalisé leurs désirs les plus secrets et se sont laissés aller à toutes les violences. Une interminable et abominable nuit qui n’est pas sans évoquer un monde plongé dans une obscurité telle que l’humanité en perd ses repères fondamentaux.
* C’est une face connue mais souvent dédaignée de notre société qu’aborde Salomé Berlemont-Gilles (26 ans, diplômée de Sciences Po Paris) dans son premier roman, « le Premier qui tombera » (6), celle du mensonge. Elle l’illustre à travers l’histoire d’une famille qui a fui la Guinée et la répression de Sékou Touré et qui en France, n'ayant rien connu de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, les principes inscrits dans la Constitution de notre pays, a sombré peu à peu. Le récit est centré sur l’aîné des quatre enfants, 11 ans, qui rapidement quitte l’école, s’initie à la petite délinquance et se met au service d’un proxénète et trafiquant, jusqu’au point de non-retour. Le roman n’est pas que dénonciation et désespérance, il est aussi l’histoire d’autres personnages qui agissent pour l’aider et se sauver eux-mêmes. Et parfois réussissent.
(1) Actes Sud, 221 p., 19,50 € (2) JC Lattès, 171 p., 18 € (3) Grasset, 381 p., 23 € (4) Gallimard, 386 p., 22 € (5) Picquier, 386 p., 22,50 € (6) Grasset, 282 p., 19 €
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