Premiers choix de rentrée

Vous aimez les histoires classiques, les comédies cruelles et drôles, alors allez au Théâtre de Poche (1) et voyez « la Version Browning », de l’Anglais Terence Rattigan, qui a inspiré deux films importants dont le rôle principal était interprété par Michael Redgrave puis par Albert Finney. Une pièce qui date de l’après-guerre et se situe dans une public school. Un professeur de lettres classiques doit quitter son poste. Moqué par ses élèves, méprisé par ses collègues, humilié par son directeur, trompé par sa femme, il bénéficiera d’un rayon de soleil, parce qu’un élève, pas des plus brillants, a compris qui il était. Dans le rôle du professeur, un remarquable Jean-Pierre Bouvier, très bien entouré et mis en scène avec tact par Patrice Kerbrat, qui a retraduit la pièce, aussi noire qu’un Strindberg, mais souvent drôle.

Même genre, « Vient de paraître », d’Édouard Bourdet. Une pièce des années 1930 qui parle du monde littéraire et qui pourrait être une photographie ressemblante d’aujourd’hui. C’est Jean-Paul Tribout qui a eu la bonne idée de retrouver cette pièce oubliée de l’auteur des « Affaires sont les affaires ». Au Théâtre 14 (2), il joue d’ailleurs l’éditeur en vue. Dans un décor très simple, de beaux costumes, les comédiens défendent leurs personnages avec beaucoup d’intelligence. C’est très drôle, c’est vif, très bien écrit, plein de répliques irrésistibles. Comment négocie-t-on les prix, comment l’édition devient une industrie, comment les narcissismes se heurtent ? Un groupe d’excellents interprètes défend cette comédie irrésistible.

Ardant après Maillan

Irrésistible, Fanny Ardant, l’est, à n’en pas douter. À la Michodière, elle tente, pour deux mois seulement, de faire rire le public. Elle est drôle dans la vie et d’un esprit rieur. Ici, elle succède à… Jacqueline Maillan dans « Croque-Monsieur », de Marcel Mithois. Un pari et un pari réussi, car la production du Théâtre de la Michodière est très soignée. Une mise en scène amusante de Thierry Klifa (cinéaste qui a beaucoup dirigé la belle au théâtre) tire le boulevard vers la comédie musicale fantaisiste. Très bien entourée, Fanny Ardant s’amuse et partage dans la bonne humeur le plateau. Elle chante, comme tous ses camarades, notamment Bernard Menez, les compositions spécialement créées par Alex Beaupain.

Rire assuré, également, avec la reprise au Théâtre de l’Aquarium (4), à la Cartoucherie, d’un spectacle signé Didier Bezace. Sous le titre « Quand le diable s’en mêle », il lie trois brèves pièces de George Feydeau, « Léonie est en avance », « Feu la mère de Madame », « On purge bébé ». Sept comédiens virtuoses se partagent les rôles, passant des valets aux maîtres, des hommes aux femmes avec une allégresse communicative. Un excellent travail, intelligent et irrésistible.

Plus grave, car il se clôt sur l’évocation d’une tragédie qui le brisera, le magnifique texte de Victor Hugo, « Pyrénées », récit d'un voyage solitaire qui le reconduit vers des lieux qu'il a connus à l'âge de 10 ans, alors que sa mère emmenait toute sa petite famille rejoindre son général de mari à Madrid. Sylvie Blotnikas a adapté le texte et met en scène au Lucernaire (5) le sobre et très sensible Julien Rochefort. Splendide écriture qui montre comment l’immense Victor Hugo précède Marcel Proust dans l’analyse des mécanismes de la mémoire. Fascinant ! 

(1) Tél. 01.45 44 50 21, www.theatredepoche-montparnasse.com 
(2) Jusqu’au 22 octobre. Tél. 01.45.45.49.77, theatre14.fr
(3) Tél. 01.47.42.95.22, www.michodiere.com
(4) Jusqu’au 1 ^er octobre. Tél. 01.43.74.79.61, www.theatredelaquarium.net
(5) Jusqu’au 8 octobre. Tél. 01.45.44.57.34, www.lucernaire.fr