La « révolution sexuelle » a partiellement levé le refoulement qui pesait sur le désir amoureux et l'érotisme. Plus inquiétante est la levée du refoulement qui pesait sur la haine – elle est présente dans les débats de l'élection présidentielle comme dans les engagements des ados de banlieue dans la cause du Jihad.
Même si elle affirme, sans toutefois le démontrer, qu'« il est possible de grandir ou passer les étapes de la vie sans connaître la haine », l'auteure constate que le non-refoulement de cette dernière nous met face à une pulsion brutale, se présentant « à nu », sans être médiatisée, symbolisée par les codes sociaux, dont le langage est le vecteur principal.
Nous sommes fondamentalement des êtres de conflits, cela va d'une banale querelle de voisinage aux immenses génocides. Effaré par l'atrocité de la première guerre mondiale, Freud est mort au seuil d'une Shoah qui, déjà, l'avait contraint de fuir de Vienne à Londres. Il n'a pas connu l'ampleur du désastre, mais ses écrits témoignent de la virulence des pulsions criminelles. Dans « Totem et Tabou » (1913), ne fait-il pas dériver tout le social du meurtre originel d'un Père sévère ?
Hélène L'Heuillet s'emploie à montrer que le père de la psychanalyse fait sortir le célèbre adage « Aime ton prochain comme toi-même » d'une haine de soi. « Si, en effet, c'est comme moi-même que le prochain doit être aimé, dès lors qu'il m'est impossible de reconnaître en l'autre un semblable, je suis du même coup autorisé à le haïr. » Ainsi, ce qui est appelé cohésion sociale n'est que le résultat de cette haine déguisée en amour. Des propos auxquels Nietzsche aurait souscrit avec joie.
Quelle pureté ?
S'appliquant à bien distinguer des mouvements comme le nazisme et le jihadisme, l'auteure y retrouve les sens différents d'une même pureté. Pureté qui signifie « sans mélange » (biologique) dans le racisme hitlérien et « conforme à la source » dans le jihadisme.
Si ce dernier mouvement semble plus proche du populisme, on retrouve dans les deux cas la réduction de l'action à la passion, laquelle est projetée en l'autre comme si on n'aimait jamais que soi-même. Ou, comme l'exprime avec subtilité cette analyse, « la passion est structurée comme un miroir. C'est ce qui fait qu'elle ne cède en général que devant la mort. »
Un livre remarquable en ce qu'il s'arc-boute de façon à relier le passé et le présent et y retrouver la mort toujours recommencée.
« Tu haïras ton prochain comme toi-même », Albin Michel, 144 p., 13 €
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