Pur tragique

Autant est célèbre, étudiée, souvent jouée la « Phèdre » de Racine, autant est rare sur nos scènes la tragédie qui l’a largement inspirée, la « Phèdre » du grand poète et philosophe latin Sénèque, né en l’an 4 avant notre ère en Espagne et très en cour sous Caligula. Il est célèbre, au-delà de son théâtre, pour avoir été le précepteur de Néron et avoir écrit notamment les magnifiques « Lettres à Lucilius », avant de se suicider en 65.

Dans un espace très simple d’Irène Vignaud, des costumes de Cindy Lombardi, cinq figures portent la tragédie, traduite par Florence Dupont, la très grande spécialiste de ce théâtre latin d’une force souvent insoutenable.

Louise Vignaud, jeune metteuse en scène issue de l’École normale et assistante d’hommes de théâtre à forte personnalité, ne cherche pas midi à quatorze heures. Elle sait qu’elle dispose d’interprètes assez puissants pour imposer ce texte, presque dérangeant à force de traduire la sauvagerie qui circule entre les êtres. Elle confie, hors scène, souvent, la partition du chœur à Pierre Louis-Calixte, aigu et sensible.

Dans cette « Phèdre », la Nourrice tient une place essentielle. Elle est le personnage le plus important et Claude Mathieu la porte avec une autorité et une sensibilité qui impressionnent. Nâzim Boudjenah est idéal en Hippolyte, trop jeune et trop pur pour comprendre la violence alentour. Lorsque Thésée surgit, et que sa fureur détruit tout, Thierry Hancisse parvient magistralement à incarner les contradictions qui le déchirent tout aussi atrocement qu’est déchiqueté son fils. Phèdre possède la beauté et la grâce de Jennifer Decker. Elle est totalement engagée dans l’antique forme, mais elle est moderne, vraie, nuancée. Un grand rôle qui permet au public de la découvrir vraiment.

La langue est magnifique. La nature tient une place immense dans l’écriture. C’est superbe.

Jusqu’au 13 mai. Durée : 1 h 20. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr