Quatre spectacles, dont « Vous n'aurez pas ma haine »

Quelques bonnes raisons de se rendre au Rond-Point

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Publié le 23/11/2017
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Théâtre-Vous n'aurez pas ma haine

Théâtre-Vous n'aurez pas ma haine
Crédit photo : GIOVANNI CITTADINI CESI

Dans l’ancienne patinoire que fut le Rond-Point se donnent depuis quelques jours quatre spectacles très différents, tous intéressants. Le premier est un moment très particulier et d’une force très profonde, très émouvant et rigoureux.

« Vous n’aurez pas ma haine » (1) est l’affirmation d’un homme cruellement touché par la tragédie du Bataclan. Sa femme Hélène y a trouvé la mort. Leur petit garçon, Melvil, avait alors 17 mois. Cette phrase, si puissante et digne, avait frappé immédiatement. Antoine Leiris, journaliste et écrivain, en a fait un livre. Le journal, minute par minute, de ce moment terrible, de la nuit de 13 novembre 2015 au matin du 25, au lendemain de l’enterrement, lorsque le père conduit son enfant jusqu’à la tombe de sa maman.

Benjamin Guillard, qui signe la mise en scène, Raphaël Personnaz, qui s’en fait l’interprète, en donnent une version théâtrale parfaite. L’adaptation est délicate. Dans un espace neutre, plateau nu avec quelques sièges de jardin, un rideau sur lequel, comme sur le mur du fond, seront projetées les dates, les heures et quelques phrases. Une scénographie de Jean Haas. Derrière ce rideau se tient une pianiste, Lucrèce Sassella (parfois remplacée par Donia Berriri), qui joue les compositions d’Antoine Sahler.

L’écriture, blanche, ferme, pure comme un cristal, est magnifiquement incarnée par Raphaël Personnaz, sensibilité profonde et intelligence de tout mot et de tout silence. Jamais il ne cherche le pathétique. Mais sa voix, son regard, ses mouvements disent l’écriture même et les images qui sont d’un écrivain véritable et d’un homme de courage, Antoine Leiris. Un très grand moment.

Variations et humeurs

Jean-Michel Ribes a retrouvé la verve presque surréaliste de sa jeunesse pour écrire « Sulki et Sulku ont des conversations intéressantes » (2). Deux personnages de son « Musée haut, Musée bas », deux « œuvres vivantes » qui sont là, dans des costumes colorés à motif de grand cercle. Deux comédiens épatants les incarnent : le grand long Romain Cottard est Sulki, le plus petit et vif Damien Zanoly est Sulku. C’est rapide, incisif, très cocasse, inattendu, insolent. On rit tout le temps. Une réussite.

Yasmina Reza signe elle-même la mise en scène de la pièce qu’elle avait écrite pour Thomas Ostermeier et qui avait été créée en allemand à Berlin, « Bella Figura » (3). L’auteur a réuni un groupe de grands acteurs, en tête desquels Emmanuelle Devos dans la partition d’une femme presque borderline. Elle est fascinante. L’intrigue est ténue. Yasmina Reza s’intéresse à d’infimes variations d’humeur, à des situations prosaïques. Tous les comédiens sont parfaits : Louis-Do de Lencquesaing, Camille Japy, Josiane Stoléru, Micha Lescot.

Enfin, on retrouve avec plaisir Jean-Claude Grumberg avec « Ca va ? » (4), variation pour personnages quotidiens et situations qui glissent du quotidien à quelque chose d’inquiétant. Daniel Benoin dirige Pierre Cassignard, François Marthouret, Éric Prat.

(1) 18 h 30, salle Tardieu, jusqu’au 10 décembre
(2) 21 heures, salle Tardieu, jusqu’au 10 décembre
(3) 21 heures, grande salle, jusqu’au 31 décembre
(4) 18 h 30, grande salle, jusqu’au 3 décembre
Tél. 01.44.95.98.21, www.theatredurondpoint.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9621