THEATRE - « Le Vicaire », de Rolf Hochhuth

Questions sur l’Histoire

Publié le 16/11/2011
Article réservé aux abonnés
1321409941298939_IMG_71529_HR.jpg

1321409941298939_IMG_71529_HR.jpg
Crédit photo : LOT

LE VICAIRE, c’est le Vicaire du Christ, le pape. La pièce s’interroge sur l’action de Pie XII durant la guerre. Lorsqu’elle fut représentée à Paris, au théâtre de l’Athénée, en décembre 1963, dans une mise en scène de François Darbon d’après une traduction de Jorge Semprun et une version scénique de Peter Brook, elle fit un terrible scandale : des chrétiens s’attaquèrent aux artistes, au spectacle. On dit que Piscator, qui la créa à Berlin en février 1963, était un militant communiste et qu’il en fit une arme en pleine guerre froide. Des légendes se sont constituées depuis :  un agent double roumain fit des « révélations », prétendant que l’auteur avait écrit sur commande de l’Union soviétique. On n’oublie pas comment certains critiquèrent le film « Amen », de Constantin Costa-Gavras, sur un scénario de Jean-Claude Grumberg directement inspiré de la pièce de Rolf Hochhuth.

Aujourd’hui, découvrant l’ouvrage dans une nouvelle traduction de F. Martin et J. Amsler (Seuil) et une adaptation et une mise en scène de Jean-Paul Tribout, on est plutôt intéressé par l’équilibre des arguments déployés pour comprendre pourquoi le pape Pie XII ne put aller au-delà des déclarations et discours qu’il fit pendant la guerre alors qu’il connaissait l’existence des camps de la mort.

N’en disons pas plus. À chacun de se faire une opinion. Mais le travail déployé par les comédiens, dont Jean-Paul Tribout lui-même, est d’une profonde probité. La pièce est efficace. Certes, il lui manque un souffle, elle est un peu conçue à la manière de la « La caméra explore le temps », l’émission de télévision des années 1960. Les personnages représentent des idées plus qu’ils n’ont d’épaisseur charnelle. En cela, oui, on devine l’idéologue en Hochhuth. Mais on nous donne des informations qui montrent que l’Église a tenté d’aider les juifs et que le pape n’a pas été silencieux.

Les interprètes apportent la sensibilité, la profondeur : Gerstein, l’officier nazi, le chimiste qui tente de prévenir les alliés, est incarné par Éric Herson-Macarel, nerveux, anxieux comme il se doit ; le jeune prêtre qui veut convaincre le pape de prendre franchement la parole est rendu vivant, complexe, par Mathieu Bisson. Tous les autres sont également convaincants et donnent la vie et le souffle : Jean-Paul Tribout, Fontana, Laurent Richard le Nonce, Claude Aufaure (le cardinal), Xavier Simonin (le Père Général). Enfin, dans la partition de Pie XII, Emmanuel Dechartre déploie sa finesse et sa profondeur. Bref, un spectacle qui est très intéressant et mérite le respect.

Théâtre 14-Jean-Marie-Sererau, mardi, vendredi, samedi à 20 h 30, mercredi, jeudi à 19 heures, dimanche à 16 heures (tél. 01.45.45.49.77). Jusqu’au 31 décembre. Durée : 1 h 35.

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9042