Trois spectacles à Paris

Questions sur l’Homme

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Publié le 08/04/2022
De « Zoo » d’après Vercors jusqu’à « Moi aussi j’ai vécu », en passant par « L’Amérique n’existe pas », les spectacles nous divertissent et nous interrogent.
« Zoo »

« Zoo »
Crédit photo : JEAN-LOUIS FERNANDEZ

* Ce fut d’abord une esquisse claire en marge d’une exposition au Musée d’Orsay, « les Origines du monde », l'an dernier. Aujourd’hui, c’est un spectacle ample et vif, adossé à un travail très sophistiqué d’images et de lumières, sur le plateau de l’Espace Cardin où est installé le Théâtre de la Ville. Emmanuel Demarcy-Mota met en scène « Zoo ou l’assassin philanthrope » d’après Vercors, dirigeant une douzaine d’interprètes, la troupe de l’institution. S’appuyant sur des conseillers scientifiques tels l’astrophysicien Jean Audouze, la neurochirurgienne Carine Karachi, la biologiste Marie-Christine Maurel, le biologiste et philosophe Georges Chapouthier, le metteur en scène nous adresse des questions troublantes, comme le fit Vercors lui-même. L’auteur et résistant, fondateur avec Pierre de Lescure des Éditions de Minuit, l’écrivain du « Silence de la mer », avait adapté son ouvrage « les Animaux dénaturés » en 1959. La pièce connut un succès certain avant d’être repensée à la demande de Jean Mercure, en 1975. L’argument tient de la fiction d’aventure : une expédition en Nouvelle-Guinée, accompagnée d’un journaliste, est à la recherche du « chaînon manquant » dans l’évolution du singe à l’homme. Ils tombent sur des quadrumanes (quatre mains, comme les singes). Un affairiste veut les mettre au travail : mais s’ils sont des hommes, ces « tropis », quels droits peuvent-ils avoir ? On pense à « la Guerre des salamandres » de Karel Capek (1936) ou à « la Controverse de Valladolid » de Jean-Claude Carrière. « Zoo » se présente aussi comme un procès. La présence forte des interprètes, les masques très beaux, la musique, tout ici concourt à donner à la représentation une couleur fantasmagorique prenante. En marge du spectacle, dans le foyer du théâtre, une exposition, style cabinet de curiosités, signée Mark Blezinger, sous le titre « Nature hybride », approfondit les questions en objets, photos, installations fascinants. (Durée : 1 h 30, Espace Cardin jusqu’au 12 avril)

* La question de l’homme et de son destin est au cœur du théâtre. On la retrouve, sous forme de solo autobiographique, dans « Moi aussi j’ai vécu » d’Hélios Azoulay, musicien, écrivain, qui se lance sur un plateau et déploie sa candeur sophistiquée d’artiste aux dons multiples. Il est mis en scène par Steve Suissa dans des lumières souples de Jacques Rouveyrollis. Un très joli moment. (Durée 1 heure, Rond-Point jusqu’au 17 avril)

* À Essaïon, dimanche et lundi, c’est à la découverte d’un auteur suisse de langue allemande, très connu dans son pays, Peter Bichsel, que nous convie Dominique Lurcel. Sous le titre « l’Amérique n’existe pas », il a puisé dans un ensemble de nouvelles unies par les rêves singuliers d’une collection d’hommes épris d’absolu, de quêtes originales. Interprétées par un comédien poétique, fin et léger, Guillaume van’t Hoff, dans un décor de caisses de carton, ces histoires sont délicieuses, touchantes et drôles, cruelles et cocasses, pleines d’espérances. (Essaïon, jusqu’au 9 mai)

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin