Le Festival d’Avignon, 72e édition

Questions tragiques, questions actuelles

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Publié le 05/07/2018
Théâtre-Thyeste

Théâtre-Thyeste
Crédit photo : CH. RAYNAUD DE LAGE

L’an dernier, en annonçant, à la fin du festival, comme le veut la tradition, les premières lignes de l’édition suivante, Olivier Py, son directeur, avait parlé d’une thématique sur le genre. Certes, il en sera question cet été, notamment par la présence de Phia Ménard, artiste transgenre (elle a été Philippe Ménard) qui présente « Saison sèche ». On rappellera que c’est une thématique consubstantielle au théâtre, qui passe par le masque, l’interprétation des personnages de femmes par des hommes, et l’existence, dans certaines traditions, d’artistes qui traversent les parois qui séparent le masculin du féminin, ainsi est l’onnagata japonais.

Autre rendez-vous d’Avignon sur ce thème, celui donné quotidiennement par le metteur en scène David Bobée avec « Mesdames, Messieurs et le reste du monde ». Il puise dans un corpus large, repris par l’écrivain Ronan Chéneau, et s’appuie sur une riche troupe, parmi laquelle, justement Phia Ménard, Béatrice Dalle, qui fut sa Lucrèce Borgia, ou encore l’écrivain Carole Thibaut. À voir chaque jour à midi, dans le jardin de la Livrée Ceccano, la magnifique bibliothèque de la Cité des Papes.

À l'école d'Eschyle

Trois semaines de spectacles, plusieurs centaines de rendez-vous, en comptant toutes les propositions complémentaires (« Le Sujet à vif », les lectures, les Ateliers de la pensée, etc.), et un fil qui apparaît d’entrée et qui est celui de la tragédie. Cela commence donc par « Thyeste », de Sénèque, dans la magnifique traduction de Florence Dupont, terrible pièce où les enfants sont des victimes et sont littéralement dévorés par la haine des adultes. Ils seront présents, les enfants, dans ce spectacle de Thomas Jolly, qui avait époustouflé Avignon avec son long et fascinant « Henry VI »et qui, avant comme après ce rendez-vous, a fait preuve d’une personnalité puissante.

On retrouve partout les enfants, et sur l’affiche de Claire Tabouret, peintre exposée cet été. Ils nous regardent et nous questionnent. Olivier Py lui-même a écrit trois pièces brèves (une heure chacune) en se mettant à l’école d’Eschyle. Il part de notre société et décline dans « Pur présent » (publié à Actes Sud Papiers) la prison, l’argent, le masque, dénonçant les dangers terribles de notre monde.

Enfin, la jeune Chloé Dabert met en scène « Iphigénie », de Racine, grande tragédie, peu montée. Ceci n’est qu’un tout petit aperçu d’une programmation très intéressante et qui subvertit joyeusement toute idée de thème unique… N’oublions pas les folies du « off » : plus de 1 700 spectacles cette année. On leur conseillerait bien deux années de jeûne.

Festival d’Avignon, du 6 au 24 juillet. Tél. 04.90.14.14.14, www.festival-avignon.com

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9679