Molière ou Marivaux

Restons classiques

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Publié le 15/12/2016
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Théâtre-L'Avare

Théâtre-L'Avare
Crédit photo : PIERRE GROSBOIS

On ne voit jamais le même « Avare ». La pièce est magistrale. Puissante, terrible et pourtant drôle. Chaque metteur en scène, chaque interprète du rôle-titre lui donnent une couleur particulière. À l’affiche de l’Artistic Théâtre, le spectacle signé par Jacques Osinski est résolument sombre.

Les cinq actes se déroulent dans un décor lugubre, style hôtel des pays de l’Est avant la chute du mur, imaginé par Christophe Ouvrad. Les costumes sont du jour, volontairement ternes, la lumière passe par une baie vitrée occultée par un rideau, au fond. Une bonne distribution, avec de jeunes comédiens disciplinés et, dans le rôle de l’entremetteuse Frosine, une remarquable Christine Brücher, vénéneuse et généreuse à la fois, une merveille d’interprétation intelligente.

Osinski s’intéresse surtout au rapport du père et du fils, puisque, on s’en souvient, non content d’être ladre et méchant, Harpagon a décidé d’épouser la jeune fille qu’aime son enfant. Cela donne lieu à des scènes très violentes entre ces deux personnages et les deux comédiens, Arnaud Simon (Cléante) et Jean-Claude Frissung, s’opposent d’une manière qui glace le sang. Frissung est un très bon acteur. Frêle, fragile d’apparence, il donne le sentiment d’être un Harpagon souffreteux, chétif. Il ne se ranime que lorsqu’il est question de « son cher argent », de sa « chère cassette ». Il est effrayant, mais faible. Victime. Une interprétation intéressante de la pièce.

Une pièce rarement montée

On ne voit jamais « le Petit-Maître corrigé » de Marivaux. On ne veut pas faire d’esprit, mais pour la 3représentation de la pièce salle Richelieu, à la Comédie-Française, on n’aura pas vu grand-chose. On attendait beaucoup de cette comédie qui est parfois mise en scène par des amateurs ou de jeunes compagnies mais que la troupe, pour qui elle fut écrite, n’avait jamais reprise.

Hélas, la mise en scène de Clément Hervieu-Léger se déploie dans une scénographie qui, pour belle qu’elle soit, ne facilite pas la vision. C’est un talus de dune, posé en avant du plateau. Les « personnages » sont souvent à l’avant-scène, assis ou encore couchés : on ne les voit pas si on est un peu en arrière à l’orchestre ! Ajoutons que la cage de scène immense étant à nu, les voix se perdent. Et là, pas la peine d’être au fond pour ne rien entendre !

C’est du gâchis, car la distribution est éblouissante et la pièce, un peu longue – elle patine un peu – est très intéressante, car elle brasse tous les grands motifs de Marivaux : argent, amour, alliances intéressées, valets qui font comme leurs patrons, domestiques qui décident de tout, belles manipulatrices, ambivalence sexuelle, etc. Dominique Blanc et Didier Sandre, les parents, sont parfaits. Florence Viala, la belle maîtresse, ensorcelante, et les jeunes sont merveilleux : Loïc Corbery, Adeline d’Hermy, Christophe Montenez, Pierre Hancisse, Claire de La Rüe du Camp. Tous méritent d’être vus et entendus !

                

– Artistic Théâtre, jusqu'au 15 janvier, mardi, mercredi, jeudi à 21 heures, vendredi 19 heures, samedi 15 heures et 20 h 30, dimanche 17 heures. Durée 2 h 10. Tél. 01.43.56.38.32, www.artistic-athevains.com
– Comédie-Française, en alternance jusqu'au 26 avril, à 14 heures ou 20 h 30. Durée 2 h 10. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9543